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Leur société
La BCE aux banquiers : enrichissez-vous !
Jeudi 18 juin, la Banque centrale européenne (BCE) a ouvert ses guichets pour la plus grosse opération de son histoire : 742 banques se sont précipitées pour emprunter un total de 1 300 milliards d’euros au taux négatif de – 1 %. Autrement dit la BCE a payé pour permettre aux banquiers de prêter à leurs clients.
Cette opération, que les banquiers appellent une « opération de refinancement ciblée à long terme », ou TLTRO selon les initiales en anglais, revient à faire marcher la planche à billets en mettant de la monnaie en circulation. Pour justifier le taux négatif, les dirigeants de la BCE évoquent le cauchemar de 2008 où les banques, méfiantes, refusaient de financer l’économie et même d’échanger des créances entre elles. La BCE prétend ainsi assurer la liquidité monétaire indispensable au fonctionnement de l’économie. Avec ce taux négatif, les banques reçoivent de la BCE une commission initiale de 13 milliards. En prêtant à leur tour aux États ou aux entreprises, même avec un taux faible, elles empocheront un petit pactole. Tout cela est censé les encourager à prêter. Mais la question est : à qui et pour financer quoi ?
Les banquiers, mêmes cajolés par la BCE, restent des requins. Des dizaines de milliers de commerçants, de petits et moyens entrepreneurs, mis en difficulté par le confinement, se plaignent du fait que leur banque refuse de les aider. Même des groupes comme La Halle, en perte de rentabilité, ne trouvent pas de financement. Du côté des consommateurs, ce n’est pas mieux. Avec les emplois perdus, les pertes de salaire dues au chômage partiel, les banques se font tirer l’oreille pour accorder prêts immobiliers ou prêts à la consommation. Les centaines de milliards injectés par la BCE ne serviront ni à ceux qui en ont le plus besoin ni au fonctionnement de l’économie productive. Cet argent ne servira pas à construire les logements populaires qui manquent, ni à réaliser les investissements ou les embauches dans la santé ou les transports.
Ces sommes seront prêtées avant tout aux grandes entreprises et aux États. Les grandes entreprises pourront emprunter des milliards à très faible taux pour racheter leurs concurrents ou augmenter les dividendes versés à leurs actionnaires. Les États pourront continuer d’emprunter en émettant des obligations souveraines, à des taux relativement faibles, créant ainsi une dette publique permanente. Ils fourniront une rente perpétuelle aux banquiers.
Cette dernière opération « guichets ouverts » de la BCE, qui s’ajoute aux 1 350 milliards qu’elle a déjà mobilisés depuis la mi-mars pour racheter des titres ou des obligations d’États ou d’entreprises, viendra renforcer un peu plus le poids de la finance dans l’économie capitaliste. Pour rembourser tous ces emprunts, même à faible taux, les États vont continuer de réduire la part de richesse consacrée aux besoins de la population ; les entreprises vont continuer à réduire la masse salariale et à intensifier l’exploitation.
Les prétendus experts économiques s’empaillent pour savoir si cette création monétaire débridée va faire exploser l’inflation, comme cela s’est produit souvent dans le passé. Quoi qu’il en soit, elle apporte du carburant à une spéculation dont les conséquences peuvent être mortelles pour l’humanité.