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- Lutte ouvrière n°2707
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Maurice Rajsfus : un écrivain contre les crimes de l’État
Né en 1928 à Aubervilliers, Maurice Rajsfus vient de mourir à 92 ans. Beaucoup de nos lecteurs le connaissent puisqu’il était venu bien des fois présenter ses livres à la fête de Lutte ouvrière
Les parents de Maurice Rajsfus étaient des Juifs polonais qui vendaient des bas et des chaussettes sur les marchés parisiens. Comme 13 000 autres Juifs, ils furent arrêtés par la police parisienne le 16 juillet 1942, lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’, entassés au Vélodrome d’Hiver, puis déportés vers les camps d’extermination nazis.
Les Rajsfus habitaient Vincennes. Ses parents, sa sœur de 16 ans et lui-même, 14 ans, furent emmenés par la police dans une villa avant de rejoindre le vélodrome. À un moment, un homme entra dans la pièce où les familles juives attendaient et lança : « Les enfants peuvent partir. » La mère de Rajsfus fut la seule à laisser partir ses enfants, qui ne revirent jamais leurs parents, morts à Auschwitz. Les deux enfants survécurent à l’occupation mais Maurice resta marqué toute sa vie par ce choc d’avoir vu la police française faire le sale travail pour les nazis. Un choc qui s’est répété pendant la guerre d’Algérie, notamment lors de la nuit du 17 octobre 1961. Dirigée par Papon, qui dans les années 1940 avait organisé à Bordeaux la déportation de Juifs, la police française massacra, à Paris, plusieurs centaines de participants à une manifestation d’Algériens en lutte pour leur indépendance.
À 16 ans, il adhéra aux Jeunesses communistes mais il en fut exclu deux ans après pour « hitléro-trotskysme » et rejoignit alors une organisation trotskyste, le Parti communiste internationaliste. En 1950, il abandonna le militantisme politique pour fréquenter des surréalistes. Devenu correcteur d’imprimerie puis journaliste, il vécut mai 68 à 40 ans et se rapprocha des groupes trotskystes. Il commença alors à écrire des livres où il racontait sa jeunesse juive, les rafles, l’Occupation et l’après-guerre, discutant aussi de la dégénérescence de l’Internationale communiste dirigée par Staline. Après un voyage en Israël, il dénonça le sort fait aux Palestiniens par les dirigeants israéliens, mais aussi par ceux des États arabes comme le roi de Jordanie.
Pendant toute sa vie, il a recensé les violences policières, les dénonçant dans ses publications, et en participant à la fondation d’un Observatoire des libertés publiques en 1994. Il a écrit une soixantaine de livres, qu’il venait présenter à notre fête.
Maurice Rajsfus était une personnalité chaleureuse, facile à aborder et partageant les espoirs de ceux qui savent que pour en finir avec les violences policières comme avec le racisme, il faudra se débarrasser du capitalisme. Il va nous manquer.