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Dans le monde
Inde : crise sanitaire et colère ouvrière
Cet article est traduit d’une correspondance d’Inde parue en anglais dans le mensuel trotskyste Workers’ Fight (n° 113, 14 mai 2020), édité par nos camarades britanniques (UCI – Grande-Bretagne)
Alors que la politique du Premier ministre Modi vis-à-vis du coronavirus continue de causer un énorme chaos social, il a néanmoins déclaré lors d’une réunion récente des ministres en chef des différents États : « Nous pouvons transformer cette crise en opportunité ». Son gouvernement s’est chargé d’éliminer des éléments du droit du travail. Cinq États, dont les économies redémarrent, ont allongé la durée du travail de 8 heures à 12 heures par jour. La Chambre de commerce du Gujarat a demandé l’interdiction de former des syndicats. Le gouvernement de l’Uttar Pradesh a déjà suspendu pour trois ans trente-cinq des trente-huit lois du Code du travail.
Quant aux plus de 100 millions de travailleurs venus des campagnes coincés par le confinement, à plusieurs centaines de kilomètres de leur village, la plupart n’ont pas reçu de salaire depuis deux ou trois mois. Nombre d’entre eux ont essayé par tous les moyens de rentrer chez eux, y compris en marchant sur de longues distances. Certains ont longé des voies de chemin de fer, pour éviter le harcèlement par la police sur les axes routiers. Au cours de la semaine écoulée, seize d’entre eux ont été tués par un train de marchandises alors qu’ils se reposaient sur les voies. De plus, 1,4 million de migrants ont été internés de force dans des « camps de secours » temporaires.
Au cours du mois dernier, des protestations ont éclaté malgré le confinement, notamment à Surat et à Bombay, à l’ouest du pays. Afin de diminuer la pression, Modi a annoncé qu’il autoriserait les travailleurs à rentrer chez eux et, comme le confinement est assoupli à partir du 3 mai, qu’il fournirait des « trains de travailleurs ». Mais, bien sûr, il y a trop peu de trains, et la classe capitaliste redoute des pénuries de main-d’œuvre. La Confédération de l’industrie indienne a même exigé qu’il soit ordonné par la loi de retourner au travail !
Dans de nombreux districts industriels, la colère ouvrière contre ces politiques a éclaté dans la rue, entre le 2 et le 4 mai. C’est dans le Gujarat, l’État de Modi, que les mobilisations ont été les plus déterminées. À Surat, des milliers d’ouvriers se sont rassemblés pour exiger d’être ramenés chez eux et ne pas être forcés de travailler. Ils ont brisé des vitres et renversé des voitures garées à la nouvelle Bourse aux diamants en construction. Un certain nombre de protestations plus réduites ont eu lieu à Chennai (Madras) le 2 mai, quand des ouvriers du bâtiment ont exigé que l’État organise leur retour. Au Rajasthan, 2 500 ouvriers d’une usine de ciment, exprimant les mêmes revendications, ont lancé des pierres contre la police et s’en sont pris à l’usine. Des protestations ont aussi eu lieu dans d’autres villes, comme Bangalore, Hyderabad, Madhya Pradesh, Delhi et Jammu.
La classe capitaliste a été sans pitié dans ses attaques. Mais les travailleurs ont riposté en nombre dans la rue. S’il leur restait des illusions dans la politique du gouvernement Modi, elles tombent rapidement.