- Accueil
- Lutte ouvrière n°2692
- Turquie : Erdogan discrédité
Dans le monde
Turquie : Erdogan discrédité
Comme toujours, le gouvernement turc d’Erdogan se montre d’autant plus agressif à l’extérieur qu’il est discrédité à l’intérieur. Mais il n’est pas sûr que ses actions militaires en Syrie et son appui aux groupes djihadistes, s’ajoutant à l’envoi de soldats en Libye et au chantage à destination des dirigeants européens, suffisent à restaurer son crédit.
Aux élections municipales de mars 2019, le parti AKP d’Erdogan a perdu la plupart des grandes villes, dont Istanbul et Ankara. Les couches populaires, dont une partie l’a longtemps soutenu, subissent durement les effets de la crise économique. L’inflation est officiellement de 12 % l’an, mais en réalité leur pouvoir d’achat s’effondre bien plus vite. De nombreuses petites entreprises, faute de clients, mettent la clé sous la porte et leurs salariés à la rue. La presse estime que plus de 5 millions de personnes sont endettées au point de ne plus joindre les deux bouts ni rembourser leurs dettes ou payer leurs crédits. Le nombre de ceux qui sont désespérés par leur situation au point de se suicider augmente : on compterait en moyenne huit suicides par jour. La presse a également parlé de cet ouvrier du bâtiment qui, n’arrivant plus à nourrir sa famille, s’est immolé en public.
En février, l’État a lancé la construction de quatre nouvelles prisons. Car, pour se maintenir, le régime a besoin de pouvoir continuer la répression et les arrestations, y compris parfois contre l’avis des juges. Par exemple le 18 février, l’homme d’affaires Osman Kavala, connu comme opposant à Erdogan et en prison depuis plusieurs années sous des accusations mensongères, a été acquitté par les juges. Mais, avant même de quitter la prison, il a de nouveau été arrêté sur ordre d’Erdogan. Les juges l’ayant acquitté sont désormais à leur tour la cible de la justice.
Mais Erdogan lui-même est de plus en plus isolé sur le plan politique. Ses anciens compagnons de route les plus proches, comme l’ex-président de la République Gül ou l’ex-ministre Davutoglu, ou encore l’ex-ministre des Finances et de l’Économie. Babacan, s’en sont écartés et préparent leurs propres partis pour une alternance. On parle aussi régulièrement d’un possible coup d’ État.
En fait, le nouvel entourage d’Erdogan est surtout constitué par l’extrême droite et les néo-ottomans qui rêvent de reconstituer l’Empire des sultans. On retrouve leur inspiration dans les aventures extérieures d’Erdogan, dont les discours guerriers ne parviennent guère à cacher qu’elles n’ont conduit qu’à des échecs. Sur le plan extérieur, il a surtout montré qu’il ne pouvait être un allié fiable pour personne, qu’il s’agisse des différents pays arabes ou de la Russie, des États-Unis ou des États européens. Tous, pour leurs propres raisons, aimeraient bien le voir céder la place.
Mais pour l’instant Erdogan continue sa fuite en avant. Elle ne lui permettra pas de reconstituer l’Empire ottoman, car la Turquie n’en a évidemment pas les moyens. Mais, outre rendre déjà la situation invivable pour la population turque, elle peut aussi contribuer largement à incendier une région aussi inflammable que le Moyen-Orient.