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Dans le monde
Moyen-Orient : affrontement turco-syrien
La bataille pour contrôler la région d’Idlib en Syrie se transforme en un affrontement direct entre la Turquie d’Erdogan et le régime de Bachar el-Assad, soutenu par la Russie.
Le 27 février, un raid aérien du régime syrien a tué 34 soldats turcs. En représailles, l’armée turque a envoyé des drones et des missiles, tuant plus d’une centaine de combattants prosyriens, dont des miliciens du Hezbollah libanais et d’autres appointés par l’Iran. Pour empêcher le régime syrien de reprendre le contrôle de cette région, l’armée turque ne se contente plus de soutenir ses alliés locaux, les milices Hayat Tahrir al-Cham, ancienne branche syrienne d’al-Qaïda. Elle intervient avec ses propres troupes et ses propres armes.
Ce faisant, l’armée turque est aussi confrontée aux militaires russes qui contrôlent l’espace aérien syrien. La Turquie étant membre de l’Otan, Erdogan exerce un chantage sur les dirigeants européens pour obtenir leur soutien. Il a ouvert sa frontière avec la Grèce, encourageant les réfugiés accueillis sur son territoire à partir vers l’Europe de l’Ouest.
Depuis plusieurs années, les différentes puissances régionales, la Turquie, l’Iran ou l’Arabie saoudite sont intervenues en Syrie par le biais de milices de plus en plus dominées par des combattants djihadistes, avec la protection plus ou moins ouverte de grandes puissances espérant abattre le régime syrien. Face au chaos créé, c’est finalement le régime syrien qui a remporté la bataille avec l’appui militaire de la Russie. Voulant maintenant rétablir son contrôle sur tout son territoire, il veut réduire la poche d’Idlib, où se sont concentrées les milices djihadites chassées du reste du pays.
Le régime turc, lui, voudrait camoufler cet échec de sa politique en continuant de protéger ces milices, quitte à y sacrifier quelques soldats. Quant à la Russie, après que ses troupes ont bombardé les troupes turques, elle a laissé la Turquie riposter à la Syrie ; le temps que Poutine rencontre Erdogan pour négocier un nouvel équilibre et renforcer ainsi son rôle d’arbitre, encore plus évident depuis que les États-Unis ont lâché les Kurdes syriens.
Les dirigeants européens ne sont pas moins cyniques. En plus de leurs responsabilités écrasantes, récentes et anciennes, dans le chaos syrien, ils sont prêts à beaucoup d’ignominies pour éviter l’afflux de réfugiés vers l’Europe.
La principale victime d’une décennie de guerre est la population syrienne, déplacée par millions dans des camps de réfugiés, en Syrie, en Turquie, en Jordanie ou au Liban. Celle de la région d’Idlib subit de plein fouet cette nouvelle bataille. Plus d’un million d’habitants ont été jetés sur les routes, refoulés à la frontière turco-syrienne, empêchés de trouver un havre quelque part. Plusieurs millions de réfugiés plus anciens, entassés dans les camps de part et d’autre de la frontière turque, manquent de nourriture, de moyens de chauffage, de soins. Sans espoir en Turquie, manipulés par Erdogan, victimes de passeurs sans scrupule, des dizaines de milliers de réfugiés sont prêts à tout pour passer en Grèce ou en Bulgarie, où la police aux frontières de ces pays membres de l’Union européenne les repousse.
Ce qui se passe aujourd’hui aux frontières de la Turquie, de la Syrie mais aussi de l’Union européenne n’est qu’un épisode de plus dans une guerre qui ensanglante la région depuis des années et qui se solde déjà par la destruction de pays entiers. La division du Moyen-Orient en États rivaux, les manœuvres des grandes puissances pour en contrôler les ressources, ont abouti à cette série de conflits qui semblent inextricables et menacent à tout moment de s’élargir. Le sort tragique des Syriens ou des Irakiens pourrait devenir celui de bien d’autres populations, si le système impérialiste, qui a mené à ce chaos pouvant déboucher sur une guerre généralisée, continue à se maintenir.