Italie : Salvini perd son pari29/01/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/01/2687.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Salvini perd son pari

Quelque cinq millions d’électeurs italiens étaient appelés à voter, dimanche 26 janvier, pour renouveler les gouvernements régionaux d’Émilie-Romagne et de Calabre. Ces élections partielles avaient valeur de test politique.

Salvini, le dirigeant du parti d’extrême droite La Ligue, réclame depuis des mois de nouvelles élections législatives et visait la victoire en Émilie-Romagne. Avec plus de trois millions et demi d’habitants, cette région du nord, riche et développée, a été un bastion ouvrier et communiste. Si l’ancienne Émilie rouge a perdu de ses couleurs à chaque nouvelle étape d’autodissolution du Parti communiste en simple Parti démocrate, elle est restée aux mains de celui-ci. Pour Salvini, une victoire de La Ligue dans ce bastion historique du PD devait permettre d’exiger la démission du gouvernement formé après le laborieux accord entre le PD et le M5S.

Salvini a donc soutenu la candidate de La Ligue à la tête de la coalition de droite, enchaînant les visites et les réunions électorales dans près de 200 villes et villages de la région, multipliant les propos racistes et les gestes indignes dont il est coutumier. Dans un quartier populaire de Bologne, il s’est mis en scène allant sonner à l’interphone d’une famille de Tunisiens pour leur demander s’ils revendaient de la drogue. Mais le résultat de cette élection en Émilie-Romagne, dont il avait fait une sorte de référendum sur son parti et sa personne, est une défaite. La candidate de La Ligue a recueilli 43,6 % des voix, contre 51,4 % pour la coalition de gauche menée par le PD.

De son côté, pour tenter de garder son image de mouvement citoyen à l’écart des politiciens et de leurs intérêts, le Mouvement 5 étoiles, fondé par l’ex-comique Beppe Grillo, avait choisi de se présenter seul dans les deux régions, hors des regroupements conduits par son allié au gouvernement, le PD. Cela ne lui a pas permis d’enrayer le déclin électoral entamé lors des européennes, son candidat en Émilie-Romagne passant sous la barre des 5 %. Sorti premier parti du pays des législatives de 2018 en promettant de « faire de la politique autrement », le M5S n’a cessé, depuis, de montrer qu’il est un parti comme les autres, au service des mêmes intérêts. En Émilie-Romagne, les électeurs de gauche qu’il avait séduits pour un temps sont largement retournés vers le PD, pour voter utile contre l’extrême droite.

Ils étaient encouragés dans ce sens par le mouvement apparu en novembre dernier sur les places d’Émilie-Romagne et baptisé les Sardines. Initié sur les réseaux sociaux par un groupe d’amis bolognais, l’appel à occuper les places, pour montrer que La Ligue n’est pas la seule à pouvoir rassembler des foules, a rencontré un succès inattendu. Aux déplacements et meetings de Salvini, ont répondu des rassemblements regroupant des milliers de personnes. Mais, si les Sardines ont eu le mérite de montrer que ceux qui s’opposent à l’extrême droite peuvent constituer une force, c’est sur une base politique indigente.

Face à Salvini, les Sardines ont au moins pris position pour l’accueil des migrants, ce qui a d’ailleurs évité au PD de le faire clairement. Mais, en dehors de cela, les mots d’ordre dominants des Sardines portent sur le refus de la violence, y compris verbale, et en appellent à un débat courtois et civilisé, impliquant le rejet de La Ligue et de l’extrême droite. Le chant des partisans Bella ciao est repris en chœur sur les places, mais des communistes venus participer au rassemblement de Bologne avec leurs drapeaux rouges en ont été refoulés, le drapeau étant jugé trop clivant.

Au-delà de l’occupation pacifique des places, les Sardines voulaient mobiliser les électeurs, pour se faire entendre dans les urnes face à l’extrême droite. Cette nouvelle mouture d’engagement citoyen et le succès qu’elle rencontre rappellent les débuts du M5S, lorsque son initiateur, Beppe Grillo, organisait les Vaffa’days, littéralement les journées « Allez vous faire f…. », rassemblant des milliers de participants. Mais si le M5S, du moins à ses débuts, envoyait ainsi les politiciens se faire voir, ce n’est même pas le cas des courtoises Sardines. Tout en revendiquant leur autonomie, leur liberté, leur absence de structure et de direction, elles se laissent courtiser par le PD comme par le gouvernement, qui demande à les rencontrer après la victoire du PD en Émilie-Romagne.

La petite claque électorale prise par Salvini en Émilie-Romagne a de quoi réjouir. Mais la progression de l’extrême droite en général, et de La Ligue en particulier, ne sera pas arrêtée par un Parti démocrate, même relooké par les Sardines, qui mène depuis des décennies la politique nécessaire aux intérêts des capitalistes.

Les travailleurs voient leur niveau de vie baisser et leurs conditions de travail empirer, entraînant une progression révoltante des accidents du travail mortels. Pour s’opposer à cette dégradation continue, ils ne peuvent évidemment compter sur un Salvini qui prétend parler en leur nom pour mieux les désarmer, en les enrôlant derrière un patriotisme d’opérette et en les divisant à l’aide des pires préjugés racistes. Mais ils ne peuvent pas plus confier leur sort à ceux qui leur promettent un capitalisme plus social s’ils savent rester polis et mesurés, bien à la place qu’on leur assigne, comme des sardines dans leur boîte.

Partager