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CFDT : la fausse colère de Berger
Les annonces du Premier ministre Édouard Philippe le 11 décembre ont réussi à provoquer la colère du dirigeant de la CFDT, Laurent Berger. Pour la première fois depuis que le gouvernement a engagé la réforme des retraite, il a été jusqu’à appeler à participer à la journée d’action le 17 décembre. Car, a-t-il déclaré, « une ligne rouge est franchie ! »
Pour Berger, la ligne rouge en question se limiterait à un seul point : la proposition d’instaurer un âge pivot à 64 ans et une baisse des pensions de ceux qui souhaiteraient partir avant. Depuis le début des négociations sur les retraites, la CFDT s’y est déclarée hostile, tout en apportant son soutien à la mise en place d’un système de retraite par points et en cautionnant ainsi la baisse des pensions qui en découlerait pour la grande majorité des salariés. Ce positionnement permettait à la CFDT de préserver une image de syndicat capable d’obtenir des résultats par une opposition constructive. En août dernier, Macron avait semblé vouloir renoncer à une telle mesure. En la réintroduisant, Philippe refermait la porte à peine entrouverte sur les doigts des dirigeants de la CFDT. « Vouloir être constructif, ça ne veut pas dire se laisser marcher dessus », a déclaré Berger pour justifier son changement d’attitude.
Jusque-là, la CFDT s’était refusée à appeler à se joindre aux mobilisations contre la réforme des retraites. Seule la fédération des cheminots avait fini par poser un préavis de grève reconductible à la SNCF à la veille du 5 décembre. Elle l’avait fait à reculons, sentant qu’un mouvement de grande ampleur se préparait. L’appel à manifester le 17 décembre a donné à la CFDT le moyen de revenir au centre du jeu syndical, d’autant qu’elle a été suivie par la CFTC et l’UNSA. En déclarant qu’elle « donnera rendez-vous en janvier » en intersyndicale avec ces deux organisations, elle se positionne, vis-à-vis du gouvernement, en interlocuteur incontournable pour faire passer la réforme.
Si le ralliement de la CFDT à la journée du 17 décembre a pu encourager à se mobiliser des travailleurs qui étaient encore hésitants jusque-là, c’est tant mieux. Mais Berger, quant à lui, fait tout ce qu’il peut pour que ce ne soit pas le cas. Si la CFDT appelle à une manifestation le mardi 17 décembre, précise-t-il, elle n’appelle pas à continuer le 18, le 19, etc. Et il a joint sa voix au concert de tous ceux qui appellent les travailleurs à respecter une trêve de Noël et à reprendre le travail. Comme si le gouvernement, lui, avait l’intention de suspendre ses attaques sous prétexte de fêtes de fin d’année !
Berger suggère lui-même des pistes au gouvernement, en évoquant une hausse des cotisations, la prise en compte de la pénibilité. Les négociations qui se poursuivent seront peut-être pour les ministres l’occasion de saisir la main tendue de Berger. Cela pourrait être le cas notamment à l’occasion des rencontres avec les syndicats programmées par le gouvernement à Matignon les 18 et 19 décembre ou de celles, plus confidentielles, qui se poursuivent en permanence dans les couloirs des ministères. Les directions des bureaucraties syndicales sont prêtes à toutes les manœuvres pour se sortir chacune à sa façon de la crise sociale actuelle.
Pour faire reculer le gouvernement, les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre détermination et leur capacité à amplifier encore la mobilisation et les grèves.