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Pologne : après les élections législatives
Les élections parlementaires polonaises du 13 octobre ont donné, pour une deuxième mandature de quatre ans, la majorité au parti conservateur au pouvoir, le PiS (Droit et Justice), qui se retrouve avec le même nombre de députés, 235, qu’à la précédente législature.
Tous les partis ont enregistré une forte progression, car les électeurs se sont mobilisés, avec une participation de 61,7 %. Du jamais vu depuis la fin du régime dit de Démocratie populaire, voici trente ans,
La principale force d’opposition, la coalition des libéraux et des écologistes (KO), talonne le PiS dans les grands centres et l’ouest du pays. Dans les régions minières de Basse-Silésie, traditionnellement pro-SLD (le parti héritier du PC polonais), la coalition autour de celui-ci obtient, voire dépasse un quart des voix. Ayant doublé son score à l’échelle nationale, elle revient au Parlement avec 49 députés.
C’est dans les petites villes et les campagnes, et d’abord dans les régions pauvres de l’Est et du Sud, surnommées la Pologne B, en opposition avec la Pologne A, plus développée et urbanisée à l’ouest, que le PiS fait ses meilleurs résultats.
Depuis quatre ans qu’il est aux affaires, le PiS a instauré un climat ultraréactionnaire. Il a muselé les médias publics et veut mettre à sa botte toutes les institutions, telle la justice. Il a caressé dans le sens du poil les antisémites en promulguant des lois mémorielles qui interdisent d’impliquer la Pologne dans l’extermination des Juifs durant la dernière guerre mondiale. Il s’en est pris aux droits des femmes : en limitant la possibilité de se procurer la pilule du lendemain, en rendant hors de prix la fécondation in vitro et surtout en tentant de supprimer le doit à l’IVG, déjà très limité. Il y a deux ans, cette tentative avait soulevé une telle vague de colère qu’il avait dû reculer. Et ce gouvernement n’est pas à une abjection près, comme quand il autorise des commerçants à refuser certains clients, donnant sa bénédiction à ceux qui affichent que les homosexuels ne doivent pas passer leur porte.
Mais c’est d’abord à sa politique d’aumônes sur le plan social, dans un contexte de croissance annuelle de 4 % de l’économie, que le PiS doit une certaine popularité. Il a instauré un système d’allocations familiales qui octroie 500 zlotys par mois (soit 116 euros) à toute femme dès son second enfant, et dès le premier si ses ressources sont très faibles. À la veille des élections, ce système a été élargi : cette somme est versée pour chaque enfant, quel que soit le revenu de la mère (le salaire minimum est de 1 600 zlotys net, soit 374 euros). L’âge de départ en retraite a été ramené à 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes. Les retraités ont perçu un 13e mois de pension en 2019, et devraient recevoir un 13e et un 14e mois en 2020. Les jeunes de moins de 26 ans sont désormais exonérés d’impôts, ce qui représente 80 euros mensuels de plus pour le salaire minimum.
Tout cela est loin même d’assurer un quotidien confortable aux travailleurs. Une inflation de 3 % par an rogne les salaires et de nombreux petits patrons ont récupéré la hausse du salaire minimum en mettant leurs salariés à temps partiel et en les payant au noir pour le reste. Pour s’en sortir, plus de deux millions de jeunes vivent à l’étranger, tandis que, sur place, deux millions de travailleurs ukrainiens, souvent sans papiers, font les petits boulots mal payés.
Si les réformes dont se targue le PiS peuvent sembler positives à certains, cela souligne une chose : depuis 1989, tous les gouvernements, de Walesa et du syndicat Solidarité aux libéraux en passant par la SLD « de gauche », ont fait preuve de leur sens des responsabilités vis-à-vis de la bourgeoise, polonaise et occidentale, en réduisant à presque rien ce que les classes populaires considéraient comme leurs acquis. Le dégoût que celles-ci en ont éprouvé a fait la force du PiS, ce parti bigot, réactionnaire, nationaliste, ennemi viscéral du monde du travail.