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Allemagne : l’extrême droite et ses complices
Le 9 octobre, dans le centre-est de l’Allemagne, un homme de 27 ans a mis le cap vers la synagogue de Halle, décidé à y commettre un carnage. Il n’a heureusement pas réussi à y pénétrer, mais a tout de même tué une passante et un garçon de 20 ans.
Le tueur a diffusé une vidéo de ses actes dans laquelle il nie la réalité du génocide, s’en prend aux féministes, coupables selon lui du faible niveau de naissances en Occident et donc de l’arrivée de migrants, et aux Juifs, à la tête du complot cause de tous ces malheurs.
Cet acte barbare survient dans un contexte où le danger d’attentats d’extrême droite est de plus en plus présent. Au mois de juin, le préfet chrétien-démocrate de Cassel, dans le centre du pays, était tué chez lui d’une balle dans la tête par un néonazi. Ce dernier lui reprochait d’avoir soutenu la politique dite d’accueil des migrants de Merkel. Cette année également se terminait le procès de la survivante d’un trio de néonazis (NSU) inculpée de plusieurs assassinats d’étrangers sur une dizaine d’années. Et ces dernières années, les actes et violences xénophobes (y compris antisémites), n’ont cessé d’augmenter, tandis que dans plusieurs villes, pas seulement à l’Est, des néonazis mettent sur pied des milices et paradent.
Depuis l’attaque du 9 octobre, la presse et la classe politique la réduisent à sa dimension antisémite, appelant à « protéger les Juifs ». Pratiquement tous les partis politiques mettent en cause la responsabilité du parti d’extrême droite AfD. Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, l’accuse d’avoir pourri le climat social, voire d’être la branche politique du terrorisme d’extrême droite. Les partis de droite, CDU et CSU, ne sont pas en reste. Holger Stahlknecht, ministre de l’Intérieur (CDU) de Saxe-Anhalt, a ainsi expliqué : « Je n’aurais pas pu imaginer que le langage des nazis retentisse à nouveau dans des parlements. [...] Ceux qui s’expriment ainsi ne sont peut-être pas complices du crime au sens juridique, mais ce sont eux qui ont ouvert la voie à ce qui se passe. Les incendiaires, ce sont eux. »
Il y a moins d’un an pourtant, les mêmes tenaient un tout autre langage. Les dirigeants de la CSU de Bavière ne se distinguaient guère de l’AfD. Et en septembre 2018, lors d’exactions de l’extrême droite à Chemnitz, ils exprimaient leur compréhension... à l’égard des manifestants d’extrême droite, minimisant les violences commises. À cette époque, certains responsables CDU à l’Est, là où la CDU est particulièrement à droite et l’AfD particulièrement forte, avaient pour tactique un rapprochement avec l’AfD, envisageant de gouverner ensemble. En 2017, dans l’un des parlements régionaux, les députés CDU ont voté pour la proposition de loi de l’AfD instaurant une commission chargée de surveiller l’extrême gauche et dirigée par le responsable local de l’AfD. Si aujourd’hui les responsables de droite changent de ton, c’est parce qu’ils ont pu constater qu’un positionnement plus centriste a, pour l’instant, assuré leur réélection contre l’AfD.
Les partis gouvernementaux ont en commun de se servir de l’attaque de Halle pour réclamer plus de présence policière et de surveillance des communications, notamment Internet. Outre que ce genre de mesure ne peut empêcher aucun passage à l’acte terroriste, l’idée de surveiller les habitants soulève beaucoup de réticences et de méfiance, dans une population toujours marquée par les dictatures qu’elle a subies.
Cependant le ministre de l’Intérieur a déjà présenté un plan qui prévoit d’augmenter les effectifs des renseignements allemands. Il y a un an seulement, le ministre avait accordé son soutien au haut fonctionnaire dirigeant les renseignements, tellement lié à l’extrême droite qu’il n’avait su tenir sa langue au moment des événements de Chemnitz. Et ces derniers mois ont apporté leur lot de révélations sur divers organismes de l’appareil d’État, dont les renseignements, l’armée et la police, abritant des cellules de néonazis et autres graines de fascistes. Loin d’offrir une protection aux victimes d’exactions d’extrême droite, ces structures risqueraient donc plutôt de protéger des bourreaux.
Quant aux hommes politiques qui versent des larmes de crocodile pour les victimes du tueur, ils utilisent la xénophobie le reste du temps et préparent, par leur politique, le terrain pour l’extrême droite.