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Michelin – Cholet : le chantage se met en route
Lundi 16 septembre, la presse nationale et locale citait des extraits d’un document interne au groupe Michelin, qui plaçait quatre usines françaises sur la sellette pour cause de « nette dégradation de leur compétitivité ».
Sur le site de Cholet, l’un des quatre sites Michelin montrés du doigt, chacun attendait donc les annonces précises que la direction ferait le jeudi 18 septembre, dans le cadre d’un CSE (comité social et économique) extraordinaire. La rencontre avec les syndicats de l’entreprise n’a en fait été l’occasion d’aucune annonce précise. Le directeur de l’usine de Cholet s’est contenté d’expliquer son timing : jusqu’à la fin du mois, partager le diagnostic avec les syndicats ; et à partir de début octobre, partir à la recherche de solutions...
Sur le diagnostic que fait le patron, il n’y aura pas de révélations. Les dirigeants du groupe Michelin, numéro 2 mondial du pneu, ont peur de se faire voler des parts de marché par les gros concurrents habituels, à savoir (dans l’ordre décroissant) Bridgestone, Goodyear, Continental et Pirelli. Et ils craignent la compétition de petits producteurs qui montent, de marques asiatiques notamment.
Des parts de marché en moins, ce serait des ventes, un chiffre d’affaires et des profits en moins, donc des dividendes en moins pour les actionnaires. Or le rôle du PDG est précisément de défendre leurs intérêts à tout prix. Il s’agit donc pour lui, en ce moment, de voir comment faire produire plus par les ouvriers, sans les payer plus, voire en supprimant des emplois pour diminuer la part des salaires.
Dans sa guerre commerciale avec les concurrents, Michelin voudrait enrôler les travailleurs, les utiliser comme fantassins, comme chair à profit. C’est pourquoi dans les prochaines semaines, à l’usine de Cholet et dans les autres sites épinglés comme pas assez rentables, les directions vont lancer des groupes de travail, où les salariés auront à faire eux-mêmes des propositions pour améliorer la productivité de l’usine.
On sait ce que valent de telles initiatives : dans le public comme dans le privé, il s’agit de rendre les travailleurs complices de leur propre exploitation, en leur demandant de réfléchir eux-mêmes à des aménagements de postes et d’horaires, dont les seuls qui seront retenus seront évidemment ceux qui font baisser les coûts, donc grimper les bénéfices patronaux.
Les salariés de Michelin n’ont aucune raison de se passer ainsi la corde au cou. Bien sûr, la direction du groupe souffle le chaud et le froid. Le directeur du site de Cholet a même poussé le cynisme jusqu’à déclarer dans la presse locale qu’il tenait à rassurer les salariés ! En fait, lui et ses semblables veulent alimenter l’angoisse, voire la panique, et pousser les ouvriers à accepter de nouveaux reculs de leurs conditions de travail, en leur faisant miroiter que telle est la condition pour assurer la pérennité des emplois.
Mais c’est un chantage indigne, et c’est mensonger. Dans ce contexte de crise, les patrons eux-mêmes ne savent pas de quoi demain sera fait. Leur seule obsession est de faire suer aux ouvriers un maximum de profits tant que les pneus se vendent, quitte à aller placer leurs capitaux ailleurs si le marché n’est plus assez porteur.
Pour les travailleurs, accepter des horaires d’équipes encore plus insensés ou des cadences encore plus folles ne sera donc jamais la garantie de conserver leur emploi et leur salaire, seulement un coup de pouce à la famille Michelin pour qu’elle se maintienne dans le peloton de tête des milliardaires français. Combien de salariés ont cédé aux injonctions patronales, en espérant sauver leur gagne-pain, pour se retrouver jetés à la fin comme des malpropres ?
Heureusement, les calculs de la direction ne marchent pas à tout coup. Il y a quelques mois, elle avait certes réussi à faire avaliser des changements d’horaires dans l’atelier Z, suite à la mise en place de groupes de travail. Il n’a pas fallu longtemps aux ouvriers de l’atelier pour réaliser le recul que ces rythmes représentaient sur le plan de leur santé, et pour rejeter la sale potion du patron.
Dans l’usine, des travailleurs, choqués par la façon dont la direction essaye de les mener en bateau, voulaient débrayer le mardi 24 septembre pour exprimer leur protestation, et se joindre à la manifestation prévue ce jour-là pour la défense des retraites. Une bonne occasion en effet de redresser la tête, et d’exprimer une colère que partagent aujourd’hui tant de travailleurs, tous secteurs confondus.