- Accueil
- Lutte ouvrière n°2650
- Fonderies du Poitou : repris, mais méfiants
Dans les entreprises
Fonderies du Poitou : repris, mais méfiants
Après l’annonce de la mise en liquidation judiciaire de chacune des deux entreprises et après avoir tourné pendant six mois au ralenti, les Fonderies du Poitou d’Ingrandes-sur-Vienne, dans l’Indre, ont repris leur activité. Les tribunaux ont validé fin avril la reprise des fonderies Alu et Fonte, désormais regroupées, par le groupe anglo-indien Liberty House.
Ce même groupe de 14 000 salariés a tout récemment acheté Aluminium-Dunkerque et la carrosserie Durisotti près de Lens, entre autres.
Après six mois d’incertitude, les fondeurs ressentent bien sûr un certain soulagement, mais aussi de nombreuses inquiétudes. Certes, l’entreprise continue. Mais c’est au prix de la suppression de plus de 110 postes de travail : 36 à l’Alu et plus de 70 à la Fonte. Si la plupart de ces suppressions d’emplois se font dans le cadre des départs volontaires, il y aura tout de même quelques licenciements secs, auxquels il faut ajouter la suppression, depuis septembre, de plus de 150 postes occupés par des travailleurs intérimaires.
De nombreuses questions restent posées concernant le fonctionnement de l’entreprise, les mutations de personnels de l’Alu à la Fonte. La diversification de la production et la réalité des engagements de Renault (seul donneur d’ordres actuellement) sur les nouvelles productions promises ainsi que sur des volumes permettant d’assurer l’activité et l’emploi pour les années à venir sont des questions encore en suspens.
Lundi 29 avril, les syndicats ont organisé un rassemblement où se sont retrouvés les travailleurs sur le départ et leurs camarades repris, pour faire le bilan des semaines de négociations. Celles-ci ont été consacrées surtout aux réunions des délégués avec les diverses autorités locales et nationales, au cours desquelles la préoccupation essentielle des partenaires sociaux fut de présenter aux éventuels repreneurs le meilleur visage possible de l’entreprise et de ses travailleurs. Lors du rassemblement, les élus locaux se sont longuement autofélicités de leur rôle durant ces derniers mois, au long desquels ils auraient « mouillé leur chemise » pour les ouvriers.
Inutile de dire que le choix du groupe Liberty de reprendre les Fonderies tient plus à des raisons sonnantes et trébuchantes qu’à l’éloquence de ces politiciens ! Voulant servir ses maîtres jusqu’au bout, le député macroniste du secteur a cru bon d’exhorter les travailleurs à faire preuve de souplesse et d’adaptation , pour montrer à Renault qu’ils sont compétitifs . Une sortie certainement prémonitoire de tout ce que ces prétendus amis des travailleurs vont marteler dans les mois à venir.
Ces semaines d’incertitude ont rendu les travailleurs méfiants vis-à-vis des faiseurs de promesses. Le soulagement de ceux qui ont gardé leur emploi n’empêche pas la vigilance et la solidarité pour faire face aux futures attaques patronales. Tous sont échaudés par les épisodes successifs de reprises par des patrons qui se sont enrichis sur leur dos depuis quarante ans. Ils n’oublient pas non plus que des dizaines de collègues ne seront plus là, alors que la production doit augmenter. Cela se traduit déjà dans les ateliers par des manques de travailleurs, pour permettre les rotations de postes, et la crainte de ne pas pouvoir poser les congés.
Des réactions, il y en a eu dans le passé, notamment une grève de deux mois en 2011 contre une menace de baisse des salaires au nom, déjà, de la compétitivité. D’autres seront immanquablement nécessaires : des travailleurs commencent déjà à discuter des salaires, que les anciens patrons ont « oubliés » ces derniers temps.