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Dans le monde
Algérie : la mobilisation se poursuit
Le vendredi 26 avril était le dixième vendredi consécutif de mobilisation contre le « système ». Les manifestations ont encore rassemblé beaucoup de monde à travers le pays, même si l’affluence a un peu marqué le pas dans de grandes villes comme Alger, Constantine ou Annaba.
À Alger, plusieurs barrages filtrants, tenus par des policiers et des gendarmes, étaient disposés dès les premières heures de la matinée à la périphérie de la ville. Cela n’a pas empêché la manifestation de regrouper des centaines de milliers de personnes, dans le calme comme la semaine précédente. Des cortèges, toujours dynamiques et déterminés, scandaient, entre autres : « Le peuple veut qu’ils partent tous », « Y’a pas de pardon, y’a pas », « Vous avez mangé le pays, espèces de voleurs ». Le refrain de la chanson des supporters de foot La casa del Mouradia s’entendait toujours autant. Les slogans étaient aussi dirigés contre les « 2B », Bensalah, actuel chef de l’État, et Bédoui, Premier ministre, rejetés par les manifestants comme figures du régime Bouteflika. Beaucoup interpellaient directement Gaïd Salah, le chef d’état-major. Certains lui demandaient d’agir contre les têtes de la Issaba (le gang), qu’il avait lui-même dénoncée il y a quelques semaines. D’autres, plus lucides, lui disaient de dégager, le considérant comme complice du système.
Des manifestants demandaient aussi l’arrestation de Saïd Bouteflika, frère du président sortant, considéré comme l’éminence grise du clan présidentiel et, à ce titre, comme chef de la Issaba. Une minute de silence fut observée à la mémoire des victimes de l’effondrement d’un immeuble dans la Casbah le 22 avril dernier. Des « gilets orange » se sont de nouveau déployés pour former des cordons de sécurité entre les manifestants et les forces de police. Cela fait également des semaines que des habitants des quartiers jouxtant les artères menant à la présidence s’organisent pour éviter que la manifestation ne dégénère, convaincus que cela ferait le jeu du pouvoir.
La mobilisation maintient sa pression sur le régime. Des inquiétudes existent quant aux perspectives possibles du mouvement. Beaucoup, en particulier dans les classes populaires, rejettent la prochaine élection présidentielle, fixée au 4 juillet, ne se reconnaissant pas dans les figures de l’opposition dite démocratique.
L’affluence à l’enterrement de l’ancien leader du FIS, Abassi Madani, mort au Qatar il y a quelques jours et dont le corps a été rapatrié en Algérie, a été remarquée et largement commentée. Le mouvement ne risquerait-il pas de tomber dans les bras des islamistes ? Cette crainte pourrait-elle pousser une partie de la population à renoncer à se mobiliser ?
D’autre part, quelles peuvent être les conséquences de l’opération « mains propres » orchestrée par Gaïd Salah ? Si l’arrestation du milliardaire Issad Rebrab, et patron de Cevital, a pu apparaître comme légitime aux yeux de certains, il n’est pas impossible qu’elle ravive les dissensions entre Kabyles et Arabes. Une manifestation de soutien à Rebrab était d’ailleurs prévue jeudi 2 mai à Bejaïa, en Kabylie, où se trouve son usine, alors qu’une autre, le 1er mai à Djelfa, devait se dérouler en soutien à Gaïd Salah. Comme tous les mardis, ce dernier a d’ailleurs pris la parole le 30 avril en affirmant qu’ il allait « nettoyer le pays de la corruption et des corrupteurs ».
Il n’est pas dit que la population mobilisée tombera dans les pièges qui lui sont tendus, celui de la division et celui du racisme, orchestrés par le pouvoir. Elle pourrait ressentir l’absence de perspectives ou la crainte de voir ressurgir l’islamisme. Beaucoup tiennent à ce mouvement, le leur, et ne souhaitent pas qu’il leur échappe.
L’avenir est du côté de la jeunesse, des classes populaires et des travailleurs mobilisés, conscients qu’ils doivent poursuivre la lutte, déterminés à ne pas se laisser déposséder de leur mouvement. Pour que le slogan « Système, dégage », tant repris au cours de ces dernières semaines, devienne réalité, il faudra encore de nombreuses luttes et une prise de conscience, notamment de la part des travailleurs, du rôle qu’ils peuvent y jouer.