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Municipales : une gifle pour Erdogan
En Turquie, les élections municipales du 31 mars ont donné un avertissement sérieux à Erdogan et à son parti l’AKP. En effet, malgré ses menaces et ses manipulations, l’AKP a perdu les plus grandes villes du pays.
Ankara, la capitale, Istanbul, la ville la plus importante, et trente autres grandes villes comme Izmir, Adana, Antalya, et Mersin se trouvent maintenant dans les mains du CHP, le Parti républicain du peuple, qui se dit social-démocrate et nationaliste, et de son allié Iyi Parti, le Bon parti, de la droite nationaliste, au demeurant récemment scissionné du parti d’extrême droite MHP.
Le gouvernement de l’AKP, soutenu par le MHP nationaliste, subit depuis plusieurs mois une usure accélérée à cause de l’aggravation de la crise économique. Les couches populaires, qui ont constitué une grande partie de la base électorale d’Erdogan, ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, alors que les milieux proches du pouvoir, la population le constate sans cesse, continuent de s’enrichir. Beaucoup d’électeurs de milieu populaire n’ont d’ailleurs pas voté du tout, grâce à quoi, à l’échelle du pays, les voix de l’AKP et de son allié représentent encore 51,67 %, tandis que le total des voix de l’opposition reste à 44,42 %.
Les derniers sondages avaient averti Erdogan et l’AKP qu’ils risquaient de perdre les villes les plus importantes, comme Ankara et Istanbul. Mais, dépourvus de solution pour améliorer la situation économique, ils ont utilisé les médias, qu’ils contrôlent à 95 %, et les chaînes de télévision d’État, dont ils ont le monopole, pour mener une campagne électorale intensive, ponctuée de slogans creux tels que « L’amour de la patrie » ou « Pour nous Istanbul est une question d’amour », ou de la proposition de refaire de l’ancienne basilique Sainte-Sophie une mosquée.
Craignant que ce soit insuffisant, il leur a fallu user de menaces et d’intimidations à tous les niveaux, y compris à l’égard des chefs de l’opposition et du candidat du CHP à Ankara, laissant entendre qu’après les élections ils risquaient de se retrouver en prison. Ce dernier était d’ailleurs averti que, même en cas de victoire, il n’était pas sûr d’accéder à la mairie.
Erdogan et son entourage avaient également prévu d’user de falsifications et tromperies, comme aux élections précédentes. Il s’agissait d’annoncer leur victoire avant le dépouillement de tous les bulletins de vote, par le biais de la commission électorale et de l’agence de presse Anadolu. Pour cela, il suffisait de comptabiliser les bureaux de vote annonçant des résultats favorables aux candidats de l’AKP et de ne plus tenir compte des résultats des autres. La méthode était tellement au point que les discours et les affiches annonçant la victoire étaient préparés la veille ! On a vu ainsi apparaître le 1er avril au matin à Istanbul, bien avant la fin du dépouillement, d’énormes affiches montrant de grandes photos d’Erdogan aux côtés de son candidat Binali Yildirim, ex-Premier ministre et ex-président du Sénat, et annonçant déjà la victoire de Yildirim. Hélas pour eux, cette fois-ci l’opposition avait contrôlé le dépouillement jusqu’au bout.
Erdogan avait rappelé, dans un discours tenu le 31 mars tard dans la nuit, que de toute façon son équipe et lui sont là encore pour quatre ans et demi, aucune élection n’étant en effet prévue avant cette date. Avec la dégradation de la situation économique, ce n’est pas si sûr ! Pourtant, ce ne sont pas les partis d’opposition qui risquent de leur créer des difficultés. Kemal Kiliçdaroglu, secrétaire général du CHP, principal parti d’opposition, a en effet déclaré que son parti allait travailler en coopération avec le pouvoir « pour le bien du pays ».
Ce n’est donc clairement pas sur ces dirigeants politiques dits d’opposition que les travailleurs et les pauvres ont à compter pour se défendre face à ce gouvernement et face aux conséquences de la crise.