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Leur société
Macron au Salon : président des riches… agriculteurs
Macron, lors de son marathon dans les allées du Salon de l’agriculture, s’est présenté comme soucieux des intérêts des agriculteurs. Il a vanté les effets de la PAC (politique agricole commune) de l’Union européenne, qui les soutiendrait face à la concurrence, ou de la nouvelle loi Alimentation, qui les protègerait des appétits des industriels et de la grande distribution. Mais dans ce secteur de l’économie comme dans les autres, toutes les mesures profitent essentiellement et avant tout aux plus riches.
La répartition des aides versées au titre de la PAC est particulièrement inégalitaire et bénéficie aux agriculteurs les plus puissants, les plus riches, véritables capitalistes de la terre. En Charente-Maritime, par exemple, 33 sociétés touchent plus de 100 000 euros chacune alors que le quart des 5 200 bénéficiaires touchent moins de 6 200 euros. En Gironde, la région du Bordelais, le quart des 4 000 bénéficiaires touchent moins de 3 500 euros alors que cinq gros producteurs de vin reçoivent plusieurs millions chacun.
Les industriels de la filière agroalimentaire s’octroient eux aussi, et même plus encore que les précédents, la part du lion. Pour l’année 2016 en France, c’est le trust Lactalis, premier groupe laitier mondial, qui a touché le plus d’aides, avec 21,5 millions d’euros. Ces sommes lui ont été versées pour l’aider à stocker de la poudre de lait, sous prétexte de soutenir le cours du lait.
À l’autre bout de la chaîne, les petits agriculteurs ne vivent guère mieux que les ouvriers agricoles durement exploités par ces capitalistes de la terre et de l’industrie agroalimentaire. Et ceci malgré les aides versées, qui, même si elles sont minimes, peuvent constituer une part importante de leurs revenus. Une étude de la Cour des comptes montre que les revenus de 20 % des agriculteurs ont baissé entre 2008 et 2015. Pour 30 % d’entre eux, ces revenus n’ont pas dépassé 9 500 euros par an. Les mauvaises années, plus d’un quart des exploitants agricoles ont même eu des revenus agricoles négatifs.
La dégradation de la situation des agriculteurs les plus en difficulté est illustrée par le triplement du nombre de bénéficiaires du RSA de 2010 à 2016. Pas étonnant que nombre d’entre eux aient rejoint les ronds-points des gilets jaunes en novembre et décembre 2018. En particulier les femmes retraitées de l’agriculture, dont 48 % doivent survivre avec moins de 500 euros par mois.
La loi Alimentation, votée en octobre 2018 et entrée en vigueur en février 2019, était censée venir en aide aux agriculteurs les plus en difficulté, en particulier les éleveurs laitiers en butte aux industriels du secteur et à la grande distribution, qui leur imposaient des prix d’achat de leur lait ne couvrant même pas les frais de production.
La première mesure imposée par cette loi est le relèvement du prix minimal auquel les capitalistes de la grande distribution peuvent revendre les produits alimentaires. La conséquence immédiate a été une augmentation des prix des 100 produits les plus vendus : de 2,6 % en moyenne dans les supermarchés, et de 4 % en hypermarchés.
Mais du côté des agriculteurs, on est loin de voir une réelle amélioration. Certains producteurs de lait ont pu négocier leurs prix à la hausse. Mais cela va-t-il durer, et les prochaines négociations avec les industriels vont-elles être aussi favorables ? Rien n’est moins sûr, car ils ont bénéficié cette fois-ci d’un contexte particulièrement favorable : la sécheresse de l’été dernier a réduit la production européenne et fait monter les cours mondiaux. Quant aux agriculteurs des autres secteurs, céréales, viande, fruits et légumes, leurs négociations avec les capitalistes du secteur s’avèrent difficiles.
Voilà la réalité qui se cache derrière la belle vitrine du Salon de l’agriculture : des petits agriculteurs qui n’arrivent plus à vivre de leur travail, des aides qui vont aux capitalistes et aux plus gros du secteur, des lois qui font payer les consommateurs plutôt que de s’en prendre à la grande distribution.