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Italie : une gauche aussi propatronale que le gouvernement
Les syndicats et les partis de la gauche parlementaire italienne avaient mis les moyens, samedi 9 février, pour leur grande manifestation à Rome et pour affirmer leur existence face à l’équipe gouvernementale Di Maio-Salvini et à sa politique. Mais on voyait mal en quoi les organisateurs de la manifestation se faisaient réellement les défenseurs des intérêts des travailleurs.
L’organisation d’une manifestation nationale à Rome est un classique pour les syndicats italiens qui, à l’aide de cars et de trains spéciaux et même de ferries pour venir de Sicile ou de Sardaigne, peuvent mobiliser leur appareil et une partie de leurs adhérents pour défiler dans la capitale. Ils pouvaient d’autant plus y mettre les moyens qu’ils n’ont pas organisé de telle manifestation depuis six ans. Ils se sont notamment bien gardés de le faire lorsque le gouvernement de centre-gauche de Matteo Renzi s’employait à déréglementer le marché du travail avec son jobs act, équivalent transalpin de la loi travail de Hollande et des ordonnances de Macron.
Mais aujourd’hui, justement, le bilan du centre-gauche et des gouvernements du Parti démocrate est tel que celui-ci s’est écroulé électoralement et a dû laisser le gouvernement au tandem constitué par le mouvement Cinq étoiles, de Di Maio et Beppe Grillo, et la Ligue, le parti d’extrême droite de Salvini. Le Parti démocrate voudrait bien maintenant se refaire une santé dans l’opposition. Renzi, désormais trop impopulaire, a été prié de se faire oublier, tandis que de nouveaux leaders tentent d’émerger. La manifestation du 9 février a donc aussi été l’occasion, pour le PD, de tenter de se donner un visage social en se montrant aux côtés des trois syndicats, CGIL, CISL, UIL, unis pour l’occasion. Le pire est qu’il n’avait même pas à se renier, vu la tonalité donnée à cette manifestation par les dirigeants syndicaux.
Les promesses faites par le nouveau gouvernement en matière sociale se résument à la mise en place du revenu de citoyenneté mis en avant par le mouvement Cinq étoiles, et à l’abolition de la loi Fornero sur les retraites, mise en avant par la Ligue. Non seulement leur mise en application recule sans cesse, mais leur contenu se réduit comme peau de chagrin. Le revenu de citoyenneté sera assorti de tant de conditions qu’il sera bien loin de la promesse originale, tandis que la loi Fornero sera tout juste amendée, avec la possibilité de partir à la retraite à 62 ans, mais à condition d’accepter de toucher une pension très largement amputée.
Pourtant ce que critiquent le PD et les syndicats confédéraux n’est pas là. Sur une ligne pratiquement propatronale, ils déclarent que l’argent qui sera consacré à ces deux mesures sera gaspillé car il faudrait plutôt le consacrer à développer l’économie et notamment à lancer les grands travaux et les programmes d’investissement que le patronat, justement, réclame à cor et à cri « pour rendre l’économie italienne compétitive », et surtout pour nourrir ses profits.
Au fond, cette manifestation était aussi une sorte de premier acte de la campagne électorale du PD, appuyé par les syndicats et même par le patronat, pour tenter de réapparaître comme une alternative possible au gouvernement Salvini-Di Maio. Mais elle était aussi l’occasion de juger de la politique proposée par ce qui se présente comme la gauche, d’où toute véritable défense des intérêts des travailleurs est absente.
Face aux miroirs aux alouettes agités par ce gouvernement, entre campagnes anti-immigrés et mesures sociales en trompe-l’œil, la riposte de la classe ouvrière devra se construire autour d’autres objectifs et d’autres dirigeants.