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Brésil : une catastrophe annoncée
Vendredi 25 janvier, suite à la rupture d’un barrage de la société minière brésilienne Vale, situé près de la ville de Brumadinho à 50 kilomètres de Belo Horizonte, la capitale du Minas Gerais, 13 millions de mètres cubes de boue se sont déversés dans la vallée. On compte déjà 58 morts et près de 300 disparus.
24 000 personnes ont été évacuées car d’autres barrages menacent de se rompre en chaîne. Et si la coulée de boue n’est pas stoppée par un autre barrage à 200 kilomètres en aval, c’est toute la vallée du Sao Francisco qui sera polluée jusqu’à l’océan au nord de Bahia à 2 000 km de là.
Les mines de fer sont exploitées à ciel ouvert, au moyen d’énormes bulldozers. Le premier traitement consiste à séparer le minerai de la terre à laquelle il est mélangé. Cela se fait par lavage et à chaque tonne de minerai correspond une tonne de boue. Au lieu d’en faire des résidus secs, il est plus facile et moins coûteux de construire des barrages dans une vallée proche afin de stocker les boues, sans se préoccuper du danger qu’elles font planer sur les ouvriers et les villages environnants. À Brumadinho, le centre administratif de la mine et la cantine des salariés étaient juste en contrebas du barrage qui a cédé à l’heure du repas.
Une catastrophe semblable avait fait l’actualité en novembre 2015 à Bento Rodrigues, à 100 km de là, dans une mine de Sanmarco, filiale de Vale et du groupe BHP Billiton, autre géant du secteur. Il y avait eu 18 morts. Les 50 millions de mètres cubes de boue avaient dévalé jusqu’à l’océan, ravageant sur 500 km la vallée du rio Doce d’où toute vie a disparu. Il y a dans le Minas Gerais 450 barrages de ce type, dont un tiers appartient à Vale. Depuis 2001, sept se sont rompus. Une vingtaine seraient dangereux. Mais on ne peut guère se fier aux organismes de contrôle. Ainsi le 10 janvier, le barrage de Brumadinho avait encore été inspecté et déclaré conforme par un bureau d’expertise qui dépend en fait de Vale.
Vale, premier producteur mondial de minerai de fer, possède aussi des mines de nickel et autres métaux, des usines d’engrais, des centrales électriques, des ports, des chemins de fer, des forêts. En 2017, ses 76 000 salariés lui ont permis de faire 5,5 milliards de dollars de profits, sur un chiffre d’affaires de 34 milliards. Quelle que soit leur couleur politique, le gouvernement brésilien et le gouverneur de Minas Gerais n’ont rien à lui refuser. Pour obtenir un permis de prospecter ou d’exploiter, il lui suffit de demander. Face à un tel pouvoir, que pèsent les vies de quelques dizaines de salariés et de riverains, les régions ravagées, l’océan et les fleuves pollués ?