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- Lutte ouvrière n°2632
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Editorial
Jaune, rouge ou noire, la colère est toujours là !
Avec la nouvelle année, le gouvernement espérait tourner la page des gilets jaunes. C’est raté ! Malgré les quelques concessions de Macron et la trêve des confiseurs, 50 000 gilets jaunes ont encore manifesté leur colère samedi 5 janvier. Dimanche, quelques centaines de femmes gilets jaunes ont pris le relais dans une ambiance festive. Même affaibli, le mouvement multiplie les initiatives, et c’est tant mieux parce que cette contestation est légitime et salutaire.
Après avoir utilisé la carotte avec, entre autres, l’organisation d’un grand débat national censé déboucher sur des solutions, le gouvernement a opté pour le bâton. Depuis une semaine, il multiplie les provocations et fait monter la tension. Il a systématiquement utilisé la force pour faire évacuer les ronds-points. Il a redoublé d’invectives vis-à-vis des gilets jaunes. Aujourd’hui, il instrumentalise les affrontements qui ont émaillé les manifestations, et l’attaque au chariot élévateur de chantier contre le ministère de Griveaux, pour caricaturer un mouvement qui exprime surtout un mécontentement profond.
Quel que soit le devenir du mouvement des gilets jaunes, le mécontentement ne peut que grandir. Parce qu’on est en crise, parce qu’il y a plus de six millions de chômeurs, parce que le grand capital est de plus en plus rapace et les inégalités et les injustices de plus en plus révoltantes.
Aujourd’hui, des multimilliardaires réservent un billet pour faire le tour de la Lune en 2023. Des entreprises investissent des dizaines, des centaines de milliards, pour répondre à ce genre de caprices de riches ou, pire encore, alimentent la spéculation. Et le gouvernement dit qu’il n’y a pas d’argent pour les urgences hospitalières saturées, les Ehpad ou l’habitat insalubre !
Toute la société est bloquée parce que les capitaux se concentrent dans les mains d’une toute petite minorité et sont intouchables, inutilisables pour la collectivité. Au nom de la propriété privée, il est interdit de contrôler l’usage fait de ces capitaux. Il est interdit de les réquisitionner quand bien même la société en aurait un besoin urgent pour investir dans le logement, les transports, la santé ou l’éducation. Ces richesses, pourtant créées par le travail collectif de dizaines de milliers de travailleurs, échappent à la société. C’est ce qu’il faut changer.
Le mouvement des gilets jaunes a exprimé la volonté de mieux contrôler ce que font l’État et les élus de l’argent de nos impôts. C’est légitime. Mais contrôler ce que fait la classe capitaliste des richesses créées par l’ensemble du monde du travail l’est tout autant.
C’est dans les mains de cette minorité capitaliste que réside le véritable pouvoir. C’est le pouvoir de Ford ou de PSA de fermer une usine, celui de Sanofi ou Renault de gaver leurs actionnaires et de bloquer les salaires. C’est le pouvoir de Vinci de transformer les autoroutes en caisses enregistreuses, ou encore celui des banques de transformer leurs bureaux en salles de casino.
Une infime minorité décide seule de choix engageant toute la société. La véritable démocratie et le « pouvoir du peuple » n’auront de sens qu’une fois cette minorité détrônée, quand toute la population pourra donner son avis et surtout participer aux décisions sur la façon de gérer collectivement les grandes entreprises qui dominent l’économie.
C’est une nécessité non seulement pour les travailleurs mais pour toute la population, car on le voit, la loi du profit et de la concurrence écrase non seulement les ouvriers et employés, mais aussi nombre de petits patrons, commerçants et artisans qui, tout en travaillant d’arrache-pied, ne vivent pas mieux que la moyenne des salariés.
Il s’agit même du sort et de l’avenir de la société. Un monde qui ne permet pas de vivre dignement à ceux qui ne possèdent pas de capitaux ne peut être qu’un monde de plus en plus barbare. Et le nôtre le devient de plus en plus avec la tentation du repli sur soi et du nationalisme, avec la résurgence du racisme et du rejet de l’autre.
Il ne suffit pas d’en appeler à une meilleure répartition des richesses. Car il ne peut pas y en avoir de juste tant que le pouvoir appartient à la minorité qui contrôle ces richesses. Il faut mettre collectivement la main sur les capitaux des grands groupes capitalistes en expropriant la bourgeoisie.
Exproprier le grand capital, collectiviser les moyens de production, est le seul moyen pour réorganiser de fond en comble la production et faire en sorte qu’elle ne réponde pas à la demande de profits d’une minorité, mais aux besoins réels de toute la population.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 7 janvier 2019