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Leur société
Hulot quitte le gouvernement : leçons d’une démission
Cela faisait des mois qu’il en parlait. Finalement, le 28 août au matin sur France Inter, Nicolas Hulot a rendu son tablier ministériel. Le porte-parole du gouvernement y a vu un « manque de courtoisie », Macron et Édouard Philippe ayant appris par la radio que leur ministre de la Transition écologique démissionnait.
Certains auditeurs et téléspectateurs ont peut-être été marqués par la véracité de son propos, sinon par ses accents de sincérité, quand il a reconnu : « Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation de pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l’érosion de la biodiversité ? La réponse est non. » Ou encore : « Je ne veux plus me mentir », être ministre en se heurtant sans cesse à la « société marchande » aboutit à « une accumulation de déceptions, je n’y crois plus ».
Passons sur le fait qu’Hulot ne peut prétendre découvrir la « société marchande », lui qui a surfé sur l’image de son émission télé Ushuaïa pour créer des entreprises qui en avaient fait un des membres les plus riches du gouvernement. Et notons qu’il n’est pas à une contradiction près car, s’il a mis du temps à trouver indigestes les couleuvres qu’il a accepté d’avaler, « pas une seconde, dit-il, je n’ai regretté d’être entré au gouvernement ».
Il dit avoir voulu y faire bouger les choses. Sans succès. Et selon ses mots, même les quelques avancées « à petits pas » qu’il met à son actif ne sont rien face aux défis climatiques et aux catastrophes qui s’annoncent.
« J’ai eu un peu d’influence, mais je n’ai pas eu le pouvoir », dit-il. Mais en devenant ministre, il pouvait s’y attendre. Il savait qu’avant lui des politiciens écologistes ou se disant tels avaient sauté sur l’occasion, chaque fois qu’elle se présentait, de faire un tour au gouvernement. Alain Bombard sous Mitterrand, puis Brice Lalonde, Dominique Voynet, Yves Cochet, Cécile Duflot… la liste est longue de ceux que cela a tenté. Et tous sans qu’ils aient pu changer grand-chose, même s’ils le voulaient.
Cette démonstration, Hulot l’a faite à son tour. Car sa démission est un nouvel aveu d’impuissance.
À qui et à quoi la faute ? Aux journalistes qui lui posaient la question, il a répondu ne pas avoir de réponse. Ou que c’était un peu de « la responsabilité de tous ».
C’est botter en touche. Et quand il incrimine « les lobbies dans les allées du pouvoir », il vise notamment celui des chasseurs, dont un représentant a participé, la veille du départ d’Hulot, à une réunion officielle où il a obtenu gain de cause. Oui, c’est choquant. Mais focaliser la critique sur les lobbyistes évite aussi d’aborder un sujet bien plus décisif. Celui du poids des grands groupes financiers et industriels qui, eux, n’ont pas besoin d’hommes de l’ombre pour se faire entendre, et servir, par les présidents et les ministres.
Et ce sont précisément les gros de l’agroalimentaire français, les financiers ayant investi dans l’agriculture, les géants de la chimie comme Monsanto et Bayer qui ne veulent pas d’une interdiction du Round Up et d’autres pesticides dangereux. Et quand il pointe du doigt ce qu’il nomme « société marchande », c’est pour ne pas désigner la société capitaliste par son nom, et en fin de compte pour masquer le fond du problème.
Hulot prétend de façon dérisoire que, sur le climat, la sauvegarde de la biodiversité, la France en fait un peu plus que d’autres États. Comme si ces questions, et toutes celles qui se posent à l’échelle de l’humanité, pouvaient se régler à un niveau national ! Et comme si on pouvait réellement les résoudre sans mettre à bas la logique du profit capitaliste qui domine le monde et le mène à la catastrophe !
Pour cela, il faudra renverser le système capitaliste, ce que seule la classe ouvrière peut faire. Il n’y a pas d’autre moyen de briser la puissance de géants tels Total, Monsanto, Bayer, Areva et leurs pareils. Car face à eux, même s’il voulait œuvrer à la « transition énergétique » ou contre le glyphosate, un ministre ne peut au mieux faire que de pieux discours. Hulot le savait forcément avant de prendre ses fonctions, car tout le monde peut constater que ces grands groupes, qui imposent leur loi à des milliards d’êtres humains, dictent leur politique à tous ceux qui gouvernent.
S’imaginer qu’on peut défendre la cause de l’environnement dans le cadre d’un tel système, c’est se vouer à l’échec. Le faire croire, c’est bercer d’illusions tous ceux que préoccupe le sort de la planète.
Hulot a accepté de servir de caution verte à un gouvernement au service de la bourgeoisie. Mais son départ a au moins l’avantage de rappeler qu’on ne pourra sauver ni la planète ni l’humanité des crises dans lesquelles le système capitaliste les enfonce sans combattre et abattre ce système.