États-Unis : la mobilisation des enseignants s’étend18/04/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/04/2594.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : la mobilisation des enseignants s’étend

Il y a un mois et demi, les enseignants et personnels scolaires de Virginie-Occidentale avaient fait plier les autorités de leur État en fermant toutes les écoles pendant neuf jours de grève totale. Leur grève militante, avec des rassemblements imposants jusque dans le Capitole de l’État, avait imposé 5 % d’augmentation des salaires. « Nous voulons inspirer d’autres enseignants à travers le pays », avait alors déclaré un gréviste. C’est chose faite en Oklahoma, en Arizona et au Kentucky.

Ces États ont en commun, avec d’autres, d’avoir gelé ou diminué les salaires des employés des services publics quand la crise financière de 2008 a fait baisser brutalement leurs recettes fiscales. Pendant dix ans, ces travailleurs ont été forcés de se serrer la ceinture, de voir leur couverture sociale se réduire, d’autant plus que gouverneurs et élus locaux ont fait des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus riches. Ces cadeaux ont été payés par l’écrasement des salaires, au point que certains enseignants doivent se trouver un deuxième travail le week-end. Dans la riche Californie, des enseignants sont SDF et dorment dans leur voiture, car un salaire de 2 500 dollars par mois (2 000 euros) ne permet pas de se loger dans les zones de spéculation immobilière où les loyers les plus modestes sont de 2 000 dollars.

En Arizona, où le gouverneur ne comptait augmenter les salaires que de 1 %, la crainte d’une grève comme en Virginie-Occidentale lui a fait revoir sa position. À présent, il propose 9 % d’augmentation cette année et 10 % en 2020. Mais il est possible que les enseignants se mettent tout de même en grève pour obtenir immédiatement 20 % d’augmentation.

Au Kentucky, le 13 avril le gouverneur a publiquement diffamé les enseignants en grève, en affirmant qu’ainsi ils abandonnaient les enfants à eux-mêmes et aux prédateurs sexuels. Il a depuis été obligé de s’excuser. Contre son avis, les députés et sénateurs de l’État ont voté une augmentation de la TVA locale et des taxes sur les cigarettes, supposée bénéficier au budget de l’éducation. Même s’ils se voient contraints de satisfaire dans une certaine mesure les revendications des grévistes, ces politiciens n’envisagent évidemment pas de taxer les riches.

En 2015, les autorités de l’Oklahoma avaient diminué la fiscalité sur les plus-values, privant les caisses publiques de plus d’un milliard de dollars, dont le bénéfice va aux trois quarts aux riches ayant plus d’un million de revenu annuel. En conséquence, un cinquième des écoles ferment un jour par semaine pour raisons d’économies, et les salaires sont amputés en conséquence. Ces derniers jours, le gouverneur a dû faire face à neuf jours de grève des enseignants et à des manifestations massives mobilisant aussi des parents d’élèves. Les professeurs ont gagné 6 000 dollars d’augmentation annuelle (270 euros par mois), et les autres personnels scolaires 1 250 dollars.

Ce succès partiel a suffi aux dirigeants syndicaux pour appeler à la reprise, malgré la volonté de certains enseignants de continuer le mouvement. Liés au Parti démocrate, ces dirigeants orientent d’ailleurs la colère des enseignants vers les élections de novembre prochain, en leur expliquant que le choix de bons élus suffira à satisfaire leurs revendications. Mais en Oklahoma ce sont les enseignants eux-mêmes, en s’organisant sur les réseaux sociaux, qui ont imposé aux dirigeants syndicaux de déclencher la grève début avril, alors que ces derniers temporisaient.

Le Colorado est probablement le prochain État où les enseignants se mobiliseront. Ils paient de leur poche des fournitures scolaires qui ne sont plus fournies par l’État. Les enseignants d’Indiana, dont les salaires réels ont baissé de 17 % depuis 2000, suivront peut-être, bien que la loi de cet État prive les salariés du public du droit de grève.

Après des années d’austérité imposée, les travailleurs de ce secteur sont à l’offensive pour leurs salaires et pour que les établissements scolaires soient financés à hauteur des besoins de la population, et ne subissent pas les conséquences des baisses d’impôts des riches.

Partager