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Leur société
Secret des affaires : la loi du silence
Sous prétexte de lutter « contre l’espionnage économique, le pillage industriel ou la concurrence déloyale », une proposition de loi sur le secret des affaires a été présentée en procédure accélérée à l’Assemblée nationale le 27 mars.
Selon le député LREM à l’origine du texte, il serait en effet urgent de « combler un vide juridique », et de répondre ainsi à une revendication de milieux patronaux soucieux d’éviter qu’on puisse faire la lumière sur certaines de leurs pratiques.
En sept ans, c’est la troisième tentative de modifier la législation sur cette question. Cette fois-ci, les partisans de la proposition de loi mettent en avant la nécessité de transposer dans le droit français une directive européenne adoptée en mai 2016. Certaines directives ont parfois attendu des années avant d’être intégrées dans la législation française ; mais là, vraiment, il y aurait urgence.
Dans une tribune publiée par Le Monde, un collectif d’associations, de syndicats et de journalistes a dénoncé le fait que la définition du secret des affaires donnée par le projet de loi est « si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie ». Et de conclure : « Des scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens. »
Toutes ces affaires citées pourraient en effet dans l’avenir être considérées comme de nature à « porter atteinte aux intérêts économiques » d’une entreprise, pour reprendre la formule du texte proposé au vote, de même que le fait d’informer des travailleurs sur le contenu d’un plan de licenciements, comme cela a été le cas à PSA Aulnay il y a quelques années. La loi vise donc à réprimer davantage, non les méfaits commis, mais ceux qui les dénoncent ! Il est aussi prévu que de telles affaires puissent être jugées par des tribunaux de commerce où siègent des juges non professionnels, beaucoup plus favorables aux entreprises auxquelles ils sont très souvent liés.
Dans la plupart des affaires récentes, ceux qui ont contribué à porter des informations sur la place publique ont eu à affronter toutes sortes de pressions, allant jusqu’au licenciement quand il s’agissait de salariés des entreprises mises en cause. Certains ont été menacés de poursuites judiciaires, voire condamnés. Il n’y avait donc nul vide juridique : les entreprises disposent déjà d’un large arsenal de lois pour empêcher que soit mis fin à l’opacité qui est la règle dans le fonctionnement des entreprises. Mais, aux yeux d’un certain nombre de patrons et de leurs représentants, ce n’était pas suffisant.
Avec cette loi, ils espèrent dissuader encore davantage ceux qui pourraient être tentés de lever le voile sur leurs décisions, inspirées le plus souvent par la seule recherche du profit, indépendamment des conséquences pour les travailleurs et la population.