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RDC : la population manifeste contre Kabila
Une dizaine de manifestants ont été tués à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), lors des marches du 31 décembre. Celles-ci avaient été appelées par des organisations proches de l’Église catholique pour réclamer le départ du président Kabila.
Pendant deux décennies, la famille Kabila et ses proches ont pu accumuler une fortune considérable, dans un pays où l’immense majorité de la population vit dans des taudis, est privée d’accès à l’eau potable et souffre de la malnutrition et de l’absence des soins médicaux les plus élémentaires. Les Panama papers avaient ainsi révélé comment Jaynet, la sœur du président, avait caché 15 milliards de dollars au Panama. Plus largement, Kabila et sa famille contrôlent 70 des principales compagnies congolaises et détiennent 120 permis d’exploitation dans des mines de diamant, d’or, de cobalt ou de cuivre. Les Kabila sont partout, dans les banques, les fermes, les compagnies pétrolières et minières, l’hôtellerie, les compagnies aériennes et autres.
À l’issue des manifestations qui s’étaient soldées par des dizaines de morts à la fin de l’années 2016, Kabila avait fini par promettre de nouvelles élections, mais le protocole signé avec l’opposition s’est révélé en 2017 n’être qu’un chiffon de papier. Alors qu’un partage du pouvoir était prévu, Kabila a continué à monopoliser tous les postes, et les élections ont une nouvelle fois été repoussées, cette fois au 23 décembre 2018. Il faut dire que cette opposition n’est guère différente du clan au pouvoir. L’un de ses principaux leaders est Moïse Katumbi, ancien soutien de Kabila et gouverneur de la riche région minière du Katanga jusqu’en 2015, avec tous les bénéfices qui vont avec. Il y a aussi Félix Tshisekedi, qui à la tête du Rassemblement de l’opposition a succédé à son père Étienne, mort en février dernier. Celui-ci fut pendant vingt ans un proche de Mobutu, le premier dictateur congolais, et trempa dans l’assassinat du leader nationaliste Patrice Lumumba.
À l’initiative des mobilisations actuelles, l’Église catholique aimerait bien aboutir à un processus de transition pacifique conforme aux vœux des grandes puissances qui, conscientes de la menace que représente la haine accumulée dans la population contre Kabila, aimeraient qu’un autre politicien moins compromis prenne le relais. Les intérêts des trusts occidentaux sont en effet énormes dans ce pays qui est peut-être le plus riche en minéraux de toute la planète, et où ceux-ci sont extraits à des prix défiant toute concurrence, au profit des grandes sociétés. Dans les mines de cobalt par exemple, un métal utilisé dans la fabrication des batteries de téléphone portable et des voitures électriques et dont la moitié de la production mondiale provient de RDC, une partie de la production se fait à la main, dans des tunnels exigus, parfois par des enfants. Les creuseurs sont rapidement décimés par les éboulements ou les maladies pulmonaires. Ce sont ces matières premières, les meilleures et les moins chères du monde, qui parviennent sur les chaînes d’Apple, Tesla, Renault et autres, souvent par l’intermédiaire d’entreprises chinoises ou d’Asie du Sud-Est. Et l’on pourrait en dire autant pour des dizaines d’autres produits indispensables à l’industrie moderne. Un gouvernement dictatorial et corrompu, mais à peu près stable, constitue pour ces trusts la meilleure garantie de pouvoir continuer ce pillage.
Pour que la colère contre Kabila n’aboutisse pas à un simple ravalement de façade, il faudra que les travailleurs et la population pauvre congolaise se donnent les moyens de faire entendre et triompher leurs propres intérêts, contre l’actuel dictateur mais aussi contre tous ceux qui aspirent à servir l’impérialisme en se servant au passage.