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- Lutte ouvrière n°2575
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Leur société
Nos lecteurs écrivent – Toulouse : Fais cours et tais-toi !
J’enseigne en classe de CP dans une école d’un quartier populaire de Toulouse, que le ministre de l’Éducation nationale a visitée le 24 novembre pour vanter la mesure tape-à-l’œil des classes de CP à 12 dans les zones d’éducation prioritaire REP+. Il était censé manger avec nous à la cantine, puis échanger sur le fonctionnement de l’école et, enfin, visiter les classes de CP.
Cette visite devait rester dans le plus grand secret, nous avions interdiction de répandre la nouvelle mais, étant informée de cette situation la veille, j’ai prévenu les collègues de mon école que je ne servirais pas de caution à sa politique. J’ai reçu un coup de fil dans la soirée du Dasen en personne (le directeur académique des services de l’Éducation nationale) qui me demandait de quitter la classe l’après-midi. Une autre collègue se chargerait d’y accueillir le ministre ! J’étais donc virée de ma classe, et je serais aussi virée de l’école le temps de la visite.
Un rassemblement avait été prévu par les syndicats à midi. À la soixantaine d’enseignants des écoles et collèges du quartier présents, j’ai lu ce que je comptais dire au ministre lors de la réunion :
« Vous êtes aujourd’hui en visite dans une école de REP+ pour y vanter la politique éducative menée par votre gouvernement. À l’inverse, sur le terrain, les collègues constatent au quotidien la dégradation de leurs conditions de travail : suppressions de postes, élargissement sans fin des missions des enseignants, gel du point d’indice, rétablissement du jour de carence...
Vous supprimez des dispositifs utiles à la réussite des élèves des quartiers populaires... comme les PDMQDC (plus de maîtres que de classes) et les Rased (réseau d’aide aux élèves en difficulté) ; et vous y fermez des collèges sous prétexte de mixité sociale.
Ce n’est ni une visite ultra médiatisée, ni la mesure tape-à-l’œil des classes de CP à 12 imposées dans la précipitation, à moyens humains constants, sans moyens matériels, qui amélioreront notre quotidien et celui de nos élèves. »
Au moment de retourner au travail avec les enseignants de l’école mitoyenne, nous avons été bloqués par les CRS. Puisque nous étions des manifestants, nous n’avions plus le droit d’aller travailler. Parmi nous se trouvaient aussi la directrice de l’école d’à côté et la moitié des enseignants ! Nos protestations n’y ont rien fait, nous sommes restés dehors jusqu’au départ du ministre… qui a estimé dans la presse locale que « les enfants, enseignants et parents sont heureux ». CQFD !