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Irak : les Kurdes bien utiles… tant qu’ils ne réclament pas l’indépendance
Lundi 18 septembre, la Cour suprême irakienne a ordonné la suspension du référendum d’indépendance prévu le 25 septembre au Kurdistan irakien, déjà autonome depuis 2005. Elle a justifié cette décision en affirmant que cette consultation serait anticonstitutionnelle, mais les vraies raisons sont évidemment ailleurs.
Le pouvoir irakien, en la personne de son Premier ministre Haïder al-Abadi n’est pas le seul à ne pas voir d’un bon œil une indépendance du Kurdistan irakien. Les puissances impérialistes, États-Unis en tête, tout comme les puissances régionales, Turquie ou Iran, y sont tout autant opposées.
En 1991, à l’issue de la première guerre du Golfe contre le régime de Saddam Hussein, les dirigeants américains ont trouvé intérêt à s’appuyer sur les Kurdes d’Irak contre le régime de Saddam Hussein. Cela a abouti à une autonomie de fait des territoires kurdes irakiens, officialisée en 2005, deux ans après le début de la seconde guerre contre l’Irak et la chute de Saddam Hussein. La prospérité relative liée aux importantes ressources pétrolières et au commerce fructueux avec la Turquie voisine, la paix relative, contrastant avec les autres régions de l’Irak dévastées par la guerre impérialiste, ont renforcé le pouvoir kurde et enrichi la classe dirigeante. Mais permettre aux Kurdes d’Irak d’officialiser leur indépendance pose un problème insoluble aux dirigeants impérialistes.
La veille de l’annonce de l’organisation de ce référendum, faite par Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien, celui-ci recevait une délégation composée de représentants américains, britanniques et des Nations unies, tous mobilisés pour tenter de l’en dissuader. Les puissances régionales, Turquie et Iran, ont fait savoir elles aussi leur opposition. La Turquie craint qu’une proclamation d’indépendance du Kurdistan irakien n’encourage les Kurdes syriens, à sa frontière, à en faire autant, sans parler des Kurdes de Turquie même. L’Iran, de son côté, soutient le pouvoir irakien. Sur près de 80 millions d’habitants, ce pays compte lui aussi 8 à 9 millions de Kurdes, qui pourraient se faire entendre.
Les États-Unis voudraient bien arriver à ménager leurs différents alliés. L’envoyé américain auprès de la coalition internationale en Syrie et en Irak, Brett McGurk, a donc multiplié les rencontres avec les différentes formations politiques kurdes, pour tenter de les convaincre de reporter le référendum, arguant que celui-ci n’était pas opportun alors que la guerre contre les djihadistes de Daech n’est pas terminée.
Le problème est que dans la lutte contre Daech les États-Unis ont toujours besoin des combattants kurdes irakiens. Dès le début de l’offensive des milices djihadistes en 2014, ceux-ci ont été les seuls à leur opposer une résistance, alors même que les troupes irakiennes régulières s’étaient repliées. Plus récemment, iIs ont participé à la première phase de l’offensive sur Mossoul, qu’ils considèrent comme faisant partie du Kurdistan irakien.
Les dirigeants impérialistes, qui ne s’intéressent aux Kurdes que dans la mesure où ils peuvent se servir d’eux, en particulier comme chair à canon contre Daech, essaient de gagner du temps pour tenter de se sortir des contradictions de leur politique.
Les dirigeants impérialistes proposent tout au plus aux dirigeants kurdes irakiens de se contenter du statu quo. Mais c’est toute leur politique qui a mené le Moyen-Orient à une situation insoluble.