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Haïti : la mobilisation ouvrière est payante
Depuis trois mois, les travailleurs des zones industrielles d’Haïti manifestent pour des augmentations de salaire, exigeant un salaire minimum mensuel de 800 gourdes, au lieu de 300. Le 27 juillet, le gouvernement s’est résolu à l’augmenter de 50 gourdes. L’éditorial du 30 juillet du journal La voix des travailleurs, édité par nos camarades de l’OTR, l’Organisation des travailleurs révolutionnaires (Haïti-UCI) commente ainsi ce résultat :
Suite aux trois dernières manifestations imposantes, respectivement en direction du ministère des Affaires sociales, du Parlement et du Palais national, le président Jovenel Moïse s’est vu obligé de revenir sur sa décision dilatoire de confier l’augmentation du salaire minimum au Conseil supérieur des salaires (CSS) : il a annoncé lui-même officiellement jeudi 27 juillet le relèvement du salaire minimum à 350 gourdes. Il ajoute ainsi 15 gourdes à la proposition de 35 gourdes du CSS, rejetée d’un revers de main par les travailleurs en lutte, d’abord, et par le Sénat ensuite.
C’est certes une victoire pour les travailleurs, due à leur mobilisation, mais le compte est loin d’être bon. Le président doit revoir son cahier, puisqu’il manque encore 450 gourdes pour satisfaire à la revendication principale des 800 gourdes. Pourquoi le chef de l’État, ce véritable moulin à promesses pour berner la population pauvre, ne double ou triple-t-il pas le salaire minimum, comme il le fait pour les taxes dans le nouveau budget à voter et pour les tarifs du transport en commun, après l’augmentation des prix des produits pétroliers ? Qu’est-ce qui l’en empêche ?
À genoux aux pieds des patrons, le chef de l’État ainsi que ces derniers d’ailleurs s’apprêtaient à tourner le dos aux revendications mises en avant par les travailleurs, pariant sur la fin de la mobilisation qui avait démarré dès le 1er mai dernier. Après trois mois, ils espéraient que le mouvement s’essouffle comme d’habitude, mais la conscientisation des travailleurs a déjoué leur calcul. Byen konte, mal kalkile. Des dizaines de milliers de travailleurs relèvent la tête, gardent le moral, tiennent bon malgré la répression du pouvoir et les représailles des patrons. Des travailleurs du Parc Sonapi comme ceux de Sonapi (MBI) et de SISA (à Tabarre) ont été sévèrement bastonnés, la plupart dans l’enceinte même de leur usine.
Gaz lacrymogènes, eau acidulée, coups de crosse de fusil, arrestations, quadrillage de la zone industrielle, etc. : la police nationale a déployé tout son arsenal répressif pour tenter d’écraser le mouvement. En vain. Les patrons, de leur côté, après avoir lâché massivement des tracts pour tenter de démobiliser les ouvriers, ont procédé à des révocations massives. La mobilisation continue de plus belle.
[…] Les manifestants ont arraché 50 gourdes des griffes des patrons et de leurs valets au gouvernement, mais cet ajustement ne sera pas pris en compte par les patrons sans l’intervention des ouvriers. En outre, les travailleurs, dans la grande majorité, restent insatisfaits parce qu’ils se sont battus pour 800 gourdes et non pour 350 gourdes, qui ne représentent même pas la moitié du salaire de base exigé. Mais les travailleurs commencent à bien comprendre la leçon qu’ils n’obtiendront que ce qu’ils auront été capables d’arracher par leurs luttes. C’est bien une question de rapport de force !
[…] Pour les travailleurs qui se sont engagés dans ce combat et pour ceux qui ne le sont pas encore, la mobilisation doit continuer en la portant au sein des usines, là où ça fait mal aux patrons, en mettant en place des comités de lutte à l’intérieur même des usines en vue de faire échec aux révocations, d’exiger la réintégration des ouvriers licenciés, de faire appliquer sans tarder les 50 gourdes d’ajustement, tout en exigeant les 800 gourdes et les accompagnements sociaux.