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Leur société
AP-HP : les drôles de valeurs de Martin Hirsch
Le 11 août, Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, a fait afficher un Manifeste des valeurs dans les 39 hôpitaux de l’AP-HP. Ce Manifeste se veut un code de bonne conduite, engageant le personnel à respecter ses valeurs et ses devoirs à l’égard des patients.
Truffé de phrases ronflantes sur « la haute conception du service public hospitalier », « l’égal accès à des soins de qualité », « le rayonnement international de notre pays et de sa médecine », ce texte est d’abord du blabla, selon l’expression de Christophe Prudhomme, urgentiste à l’hôpital Avicenne, qui a déclaré : « L’hôpital va mal. Ce dont on a besoin ce n’est pas d’une charte mais de moyens pour soigner les patients correctement et entretenir nos locaux. »
Le blabla de Hirsch n’est pas seulement ridicule : il est révoltant. D’abord, il insinue que, si les patients sont mal accueillis, mal soignés, mal informés, ce serait non pas à cause du manque de matériel et du sous-effectif, mais à cause du personnel soignant, oublieux de ses valeurs. D’autre part, derrière ces mots, Hirsch cherche à cacher combien la réforme qui porte son nom a été dévastatrice pour les infirmiers et les aides-soignants.
Ce plan, annoncé en 2015, s’inscrivait dans la continuité de celui de Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, qui voulait économiser 3 milliards d’euros supplémentaires dans les hôpitaux publics, avec 22 000 suppressions de postes par an sur trois ans. Entré en vigueur en septembre 2016, le plan Hirsch a augmenté la flexibilité du personnel et supprimé de trois à dix jours de congés par an et par salarié.
Pendant la mobilisation contre ce plan, en juin 2015, une jeune infirmière de l’hôpital Saint-Louis lui a écrit une lettre ouverte. Elle lui disait notamment : « Je vous invite à venir examiner notre quotidien, avec sa charge de travail, son lot de souffrances, de fins de vie, de soins palliatifs. Venez à nos places tenter de réparer les vivants, passer vos journées à courir sans avoir le temps de manger ni d’uriner. Comment osez-vous penser une seule seconde à nous supprimer des jours de congés, si précieux pour nous ressourcer ? Dois-je vous rappeler que nous travaillons un week-end sur deux, voire plus ? Que nous ne comptons pas nos heures lorsqu’il faut rester plus tard pour gérer une situation de crise ? Vous voulez réaliser des économies sur notre dos : ce n’est ni éthique ni moral. Nous prenons soin de vos grands-mères atteintes d’Alzheimer, de vos oncles atteints de leucémie, de vos enfants atteints de drépanocytose. Vous devriez gonfler le budget hospitalier, et surtout nos salaires, nous le petit personnel, qui avons les mains dans la merde, au propre comme au figuré. »
Deux ans plus tard, la situation a empiré. Et ce n’est pas un bout de papier affiché dans les services qui fera oublier la responsabilité de Hirsch et de l’État dans la situation calamiteuse des hôpitaux.