Brésil : un régime en crise14/06/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/06/2550.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : un régime en crise

La manifestation appelée par les centrales syndicales le 24 mai à Brasilia a marqué une étape dans la crise politique au Brésil. 35 000 personnes venues de tout le pays ont protesté contre les attaques gouvernementales contre les retraites et le Code du travail et ont réclamé le départ du président Temer et l’organisation d’élections directes.

Sur l’esplanade des ministères, devant les coupoles jumelles de l’Assemblée et du Sénat, les policiers à pied et à cheval ont violemment agressé le cortège, y compris à coups de pistolet. Au milieu de la fumée des explosions de grenades et des gaz, le ministère de l’Agriculture a commencé à brûler et cinq autres ont été endommagés. L’armée a été appelée pour dégager les ministères.

Les dirigeants des centrales syndicales s’opposent à un gouvernement qui menace de supprimer leur principale source de financement : l’impôt syndical, une journée de salaire prélevée annuellement sur tous les travailleurs. Quant aux partis de gauche, ils prennent leur revanche sur Temer et les partis de droite qui, après avoir été leurs alliés, les ont trahis et chassés du pouvoir.

Mais des milliers de travailleurs étaient là, eux, pour défendre leurs retraites et leurs emplois et pour dénoncer la corruption. Le niveau de vie de la classe ouvrière recule avec la récession économique et le chômage qui dépasse 14 %, rendant plus insupportables ces politiciens qui détournent des milliards en pots-de-vin et caisses noires.

Neuf mois à peine après la destitution de Dilma Rousseff, son successeur Michel Temer a été pris la main dans le sac, approuvant les pots-de-vin destinés à fermer la bouche d’un des accusés de l’affaire Petrobras déjà en prison. La Cour suprême a ouvert contre lui une enquête pour corruption passive, entrave à la justice et participation à une organisation criminelle. Plusieurs partis lui retirent leur appui, le principal parti de droite (PSDB) menace de le lâcher, l’Ordre des avocats et l’Église catholique disent leur indignation, et les demandes de destitution se multiplient. Des cortèges parcourent les rues des grandes villes pour demander sa démission.

Les hauts responsables du pays aimeraient sans doute se débarrasser de ce président dont le pays ne veut plus mais qui refuse de démissionner. Contre toute évidence, le tribunal électoral a refusé le 9 juin de casser son mandat pour motif de financement illicite de sa campagne de 2014 avec Dilma Rousseff. Il serait encore possible de le destituer, comme cette dernière, mais cela prendrait six mois.

Ce ne serait pas la fin du casse-tête. La nouvelle élection présidentielle se ferait sans doute au suffrage indirect des députés et sénateurs, ces parlementaires dont au moins 200 sont poursuivis pour corruption. Mais, dans cette éventualité, la droite n’a pas de candidat crédible. Quant au suffrage universel, il ramènerait à la présidence Lula, qui reste populaire auprès des ouvriers et des pauvres en général, et dont la présidence a bénéficié du plein emploi et de la prospérité économique.

La revendication que la gauche exprime dans la rue, est celle du suffrage direct : Diretas jà ! C’était en 1984 le mot d’ordre de tous ceux qui voulaient la fin de la dictature militaire. Mais ils étaient alors des millions mobilisés dans les rues et, même si l’élection directe du président a été refusée, ils ont imposé le retour au régime parlementaire. Les manifestants d’aujourd’hui ne sont que quelques dizaines de milliers, et beaucoup parmi eux estiment maintenant que la gauche est aussi corrompue que la droite. La force de Temer est dans l’absence d’une alternative politique crédible

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