- Accueil
- Lutte ouvrière n°2544
- Turquie : un régime toujours plus autoritaire
Dans le monde
Turquie : un régime toujours plus autoritaire
Le 1er mai en Turquie, les forces de répression ont encore une fois tout fait pour empêcher le déroulement des manifestations.
Parmi ceux qui ont néanmoins tenté de se rassembler lors de la journée internationale des travailleurs, plus de 2 000 ont été arrêtés. Ceux qui tentaient d’atteindre la place Taksim d’Istanbul en hommage aux manifestants tués sur cette même place il y a 40 ans, le 1er mai 1977, en ont été violemment chassés.
L’envoi de la police contre les manifestants du 1er mai est réitéré chaque année, mais cette année il s’inscrit dans la logique autoritaire adoptée par le président turc Erdogan depuis le coup d’État manqué de juillet 2016. Au référendum du 16 avril dernier sur la réforme constitutionnelle, sa victoire avec 51,3 % de « oui » a été en fait d’autant plus courte qu’elle a comporté bien des irrégularités. 2 600 bureaux de vote ont eu davantage de votants que d’inscrits, 10 000 procès-verbaux ont été dûment falsifiés et des urnes probablement bourrées. 3 000 élus et militants du parti d’opposition pro-kurde HDP ont été arrêtés et détenus pendant la campagne, sans oublier les députés de ce parti, dont son leader Selahattin Demirtas, qui sont emprisonnés depuis des mois.
Erdogan vient aussi de publier un décret mettant purement et simplement fin aux fonctions – et au salaire – de 4 000 fonctionnaires, dont une centaine de pilotes et 500 universitaires. Dans la foulée, il a aussi interdit la diffusion des émissions de rencontres amoureuses, populaires mais jugées contraires aux bonnes mœurs selon les critères religieux et conservateurs d’Erdogan. Il a aussi bloqué l’accès à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, dont les articles ne lui semblaient pas assez favorables.
Erdogan a aussi organisé sa réintégration officielle au sein de son parti, l’AKP, alors que la précédente Constitution ne lui permettait pas de diriger à la fois ce parti et le pays. D’ici fin mai, un congrès extraordinaire de l’AKP devrait se conclure par l’élection d’Erdogan à sa tête. Majoritaire à l’Assemblée nationale, le parti pourra désigner à sa convenance la moitié des magistrats, l’autre moitié ayant été nommée directement ou indirectement par Erdogan qui a désormais pris le contrôle de l’organisme qui les chapeaute.
Depuis juillet 2016, l’état d’urgence est toujours en place et Erdogan justifie ses mesures par la nécessité de maintenir la pression contre ceux qui, selon lui, ont été les instigateurs de la tentative de coup d’État de juillet, les membres de la confrérie Gülen. Depuis lors, 47 000 personnes ont été arrêtées dont beaucoup demeurent emprisonnées ; 9 000 policiers accusés d’être des « gülenistes » viennent encore d’être limogés.
Enfin, Erdogan a tenté une fois de plus de faire vibrer la corde nationaliste, en apostrophant les dirigeants européens au sujet des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, bloquées depuis des années. Il tente sans doute ainsi de retrouver une partie de sa popularité perdue. Mais alors que l’ensemble de la population constate une dégradation profonde de la situation économique qui vient s’ajouter à l’autoritarisme du pouvoir, le procédé est sans doute un peu trop gros pour réussir.