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Tchad : les travailleurs contre un régime corrompu
Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, s’est déplacé au Tchad le 25 décembre, accompagné du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Rendant visite aux troupes françaises dont ce pays est la plaque tournante en Afrique, il en a profité pour apporter son soutien au dictateur Idriss Déby, réélu en avril dernier pour un cinquième mandat, à l’issue d’un scrutin qualifié de hold-up électoral par l’opposition.
Cazeneuve a déclaré : « La France est aux côtés du Tchad sur la crise économique et sociale. » La crise sociale en question, ce sont les grèves qui se succèdent depuis maintenant plus de trois mois dans tout le pays, en réaction au renchérissement de la vie, aux attaques du gouvernement et à la corruption. Les enseignants et les personnels de santé notamment sont en première ligne.
Le mouvement doit faire face à la répression. Ainsi, le 6 décembre dernier, des travailleuses qui avaient décidé une marche pacifique nationale pour soutenir la grève ont été dispersées par la police. Une de leurs dirigeantes déclarait : « Les femmes souffrent beaucoup à cause de cette situation de grève sans salaire. Nos enfants ne vont plus à l’école, les femmes ne peuvent pas aller à l’hôpital, elles meurent en accouchant, les enfants meurent parce qu’ils sont malades, donc nous en avons assez. »
Dans le numéro du 2 décembre de leur journal Le pouvoir aux travailleurs, nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) décrivent les raisons de ce mouvement de protestation et dénoncent la corruption qui règne au Tchad.
La plateforme revendicative de l’Union des syndicats du Tchad (UST) est un ensemble de mesures revendicatives des travailleurs, comme l’augmentation générale des salaires pour faire face à la hausse incessante des prix des denrées de première nécessité, le versement régulier des salaires et le paiement des arriérés. Au lieu de satisfaire ces revendications légitimes, le gouvernement n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Sous prétexte de faire face à la crise due à la baisse des revenus pétroliers, mais en réalité à cause de la dilapidation des fonds publics par Déby et son clan, le gouvernement a unilatéralement pris 16 mesures drastiques et impopulaires, dont la suppression de 80 % des primes et indemnités des fonctionnaires et des agents de l’État pour une période de dix-huit mois. C’est ce qui a poussé l’UST à lancer une grève générale.
Pourtant, l’argent pour payer tous les fonctionnaires et agents de la fonction publique existe bel et bien, mais dans les poches de Déby, son clan et sa famille. Prenons par exemple le cas des deux neveux de Déby. L’un est placé depuis 2013 à la tête de la cimenterie de Baoré, localité située à 40 km de la ville de Pala, au sud. Ce grand complexe industriel construit par une entreprise chinoise abrite à la fois les installations de l’usine, les bureaux et les logements pour les employés. Les 900 millions de francs CFA de recettes par mois que touche ce neveu vont directement dans un compte personnel. Sa propre entreprise, la Simcobat, s’est vu attribuer toutes les tâches au sein de la cimenterie : entretien, nettoyage, gardiennage, etc.
L’autre neveu a fait main basse sur les recettes que rapporte l’aéroport international de Ndjaména. Il voulait le privatiser, mais son oncle Déby s’y est opposé. Néanmoins, il bénéficie gracieusement des 400 millions de recettes mensuelles.
Tout cet argent, s’il était confisqué, pourrait servir à payer en partie, voire même en totalité, les salaires des fonctionnaires et agents de l’État. Mais il ne faut pas attendre cela d’Idriss Deby, car il y va des intérêts de son clan et de sa famille. Espérons qu’un vent de mécontentement de la part des travailleurs et des classes pauvres puisse balayer un jour ces sangsues au pouvoir, et que les travailleurs aient toujours leur mot à dire, indépendamment d’autres catégories sociales et surtout des politiciens qui pourraient s’appuyer sur leur lutte pour parvenir au pouvoir.