- Accueil
- Lutte ouvrière n°2514
- Israël : Shimon Peres, faux homme de paix
Dans le monde
Israël : Shimon Peres, faux homme de paix
Près d’une centaine de chefs d’État ont assisté aux obsèques de Shimon Peres à Jérusalem vendredi 30 septembre et ont loué un prétendu homme de paix. Mais avant de s’affirmer en faveur d’un dialogue avec les Palestiniens, Peres fut de ceux qui organisèrent la confiscation de leurs terres, et il refusa longtemps de leur reconnaître le droit à un État, jouant un rôle majeur dans les guerres qui ensanglantèrent la région.
Né en 1923 à Vishneva, une bourgade alors située en Pologne, Shimon Peres, de son vrai nom Shimon Perski, émigra à 11 ans avec sa famille en Palestine qui, dans cette période de l’entre-deux-guerres, était sous mandat et sous occupation britannique. Il rejoignit une organisation de jeunesse de la fraction du mouvement sioniste qui se réclamait du socialisme. Mais ce courant était avant tout nationaliste, avec pour seule perspective la création d’un État juif, en évinçant les populations palestiniennes.
La réalisation de ce programme, avec la création de l’État d’Israël en 1948, fut suivie d’une première guerre israélo-arabe et s’accompagna de l’expulsion de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens qui furent chassés de leurs terres et condamnés à vivre dans des camps de réfugiés installés dans toute la région. Peres fut de la génération des dirigeants israéliens qui mirent en œuvre cette politique et qui eurent comme première préoccupation le renforcement de la puissance militaire de leur État. Dans ces années-là, Peres se situait dans le camp des durs, des faucons, comme on appelait ceux qui étaient les plus bellicistes et qui refusaient toute concession aux Palestiniens.
En tant que directeur général du ministère de la Défense à partir de 1953, il joua un rôle important dans les négociations qui conduisirent à l’intervention militaire de Suez en octobre 1956, aux côtés de la France et du Royaume-Uni, contre le dirigeant égyptien Nasser qui venait de nationaliser le canal de Suez. Peres fut alors au cœur des accords avec la France, qui permirent à Israël d’acquérir l’arme atomique.
En 1974, devenu ministre de la Défense, il s’opposa à l’évacuation des colons, issus de l’extrême droite religieuse, qui, contre l’avis du gouvernement de l’époque, commençaient à développer des implantations sauvages dans la Cisjordanie occupée à la suite de la guerre de juin 1967. Peres était l’un des principaux dirigeants du Parti travailliste qui dominait la vie politique israélienne. Mais, par toute sa politique, le Parti travailliste contribuait à renforcer dans la société israélienne les courants les plus nationalistes et religieux. Il finit par en être victime lui-même, se retrouvant évincé du pouvoir en 1977 par la droite nationaliste. Cela n’empêcha pas Peres de continuer sa carrière gouvernementale, dans des coalitions avec la droite, d’abord en tant que Premier ministre de 1984 à 1985, puis comme ministre des Affaires étrangères de 1987 à 1990.
Il fallut l’éclatement de la première Intifada, en décembre 1987, et l’incapacité manifeste d’y mettre fin par la répression pour que Peres se décide à engager des négociations avec l’OLP d’Arafat. Mais les accords d’Oslo, signés en 1993, n’ouvraient pas pour autant un réel processus de paix. En reconnaissant un pouvoir autonome palestinien dans une partie très limitée de la Cisjordanie et à Gaza, les dirigeants israéliens entendaient surtout déléguer à l’OLP la tâche du maintien de l’ordre contre la population palestinienne, et non un véritable État.
En avril 1996, devenu à nouveau Premier ministre après l’assassinat de Rabin par un activiste de l’extrême droite religieuse israélienne, « l’homme de paix » Peres ordonna une intervention militaire au Sud-Liban, au cours de laquelle le bombardement, à Cana, d’un camp de l’ONU fit 200 victimes civiles. En 2001, il entra au gouvernement d’unité nationale dirigé par Ariel Sharon, qui déclara que les accords d’Oslo étaient morts et appuya sa politique sécuritaire. Peres termina sa carrière politique en quittant le Parti travailliste pour rejoindre Kadima, le mouvement créé par Sharon en 2005, un ralliement qui lui permit d’accéder à la présidence d’Israël en 2007.
À la fin de sa vie, Peres parlait beaucoup de la paix et du nécessaire dialogue avec les Palestiniens, ce qui ne l’engageait plus à rien. Car, à chaque fois qu’il a accédé aux responsabilités, il a soutenu une politique conduisant à l’impasse sanglante dans laquelle se trouvent aujourd’hui Israéliens et Palestiniens.