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Leur société
Calais : migrants et manœuvres politiques
Toute la journée du lundi 5 septembre, l’autoroute A16 a été bloquée par environ 500 Calaisiens à pied, un convoi d’engins agricoles et des camions, provoquant de gros embouteillages. Regroupés sur l’autoroute, ils exigeaient du gouvernement une date pour le démantèlement rapide de la « jungle », le camp où s’entassent actuellement près de 10 000 migrants.
En mars dernier, la destruction de la zone sud de la jungle, décidée par le ministre de l’Intérieur Cazeneuve, a déjà aggravé le sort des migrants, réduits à errer dans les environs, en survivant dans des conditions encore plus précaires. Ils ont continué leurs tentatives de passer en Angleterre, quitte à y perdre la vie. La fermeture du camp de Sangatte il y a quelques années n’a rien résolu, la destruction du camp actuel ne résoudra rien non plus. Cela ne fera qu’aggraver les conditions inhumaines dans lesquelles survivent ces milliers de migrants qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne et à qui les deux gouvernements interdisent de franchir la Manche.
La présence des réfugiés pose des problèmes réels et graves aux routiers, aux agents du port, aux pompiers, aux automobilistes, aux riverains : la nuit, les réfugiés lancent des assauts collectifs sur la rocade portuaire jusqu’à l’autoroute, pour tenter de monter dans les camions. Afin de contraindre les chauffeurs à ralentir et s’arrêter, ils obstruent la voie avec des troncs d’arbres ou autres obstacles, ce qui perturbe dangereusement la circulation et rend difficile le travail de certains salariés. Des groupes avec des femmes et des enfants le font même en plein jour. La présence des policiers envoyés pour les en empêcher, auxquels ils ripostent par des caillassages, ne les dissuade pas.
Cette situation qui perdure fait monter parmi la population le mécontentement contre les réfugiés, un sentiment alimenté par le climat raciste et xénophobe, par la politique répressive du gouvernement et par la surenchère du Parti socialiste et des Républicains (LR) sur ce terrain. Quant aux politiciens locaux, ils spéculent sur ce ressentiment croissant. La maire LR de Calais, Natacha Bouchard, demande des moyens judiciaires pour arrêter les migrants comme « fauteurs de troubles » et l’intervention de l’armée pour détruire le camp. Elle était présente à cette manifestation, ainsi que le maire LR de la commune voisine de Marck et le député socialiste Yann Capet.
C’est le patronat local qui est à la manœuvre. Il a organisé cette manifestation par le biais du « Grand rassemblement du Calaisis », une association qu’il a lancée pour tenter d’obtenir du gouvernement des compensations financières pour les entreprises, arguant que la présence des migrants léserait leur activité. Comme lors de ses deux précédentes manifestations à Calais et à Paris, c’est aussi une opération politique, menée en particulier par le patronat du port pour tenter de mobiliser derrière lui non seulement les restaurateurs et autres petits commerçants du tourisme et des loisirs, mais aussi la population calaisienne et les syndicats de salariés.
Les responsables des syndicats FO et CGT du port se sont affichés comme co-dirigeants de cette manifestation, laissant croire que patrons et salariés auraient des intérêts communs à défendre. Même s’ils ont tenu à se démarquer des groupuscules d’extrême droite qui, actifs depuis quelque temps à Calais, clament leur haine des migrants et mènent contre eux des actions violentes, ils apportent ainsi une caution à une opération politique aux relents racistes, là où les organisations ouvrières devraient lutter pour imposer l’ouverture des frontières et la liberté de circulation des réfugiés.