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Dans le monde
Jeux olympiques : une sombre histoire
Les Jeux de Rio, au Brésil, sont les trente-et-unièmes Jeux olympiques modernes, selon la tradition réinventée à la fin du XIXe siècle. Si aujourd’hui ils prétendent encore promouvoir la paix, l’égalité des peuples et des sexes, ils s’inscrivent dans une histoire qui fait la part belle au racisme, à la misogynie, au nationalisme et à la triche.
Coubertin : raciste, colonialiste et misogyne
Ces premiers Jeux modernes ont eu lieu pour la première fois en 1896 à Athènes, à l’initiative du baron Pierre de Coubertin. Il s’agissait alors d’exalter des idéaux aristocratiques, exclusivement masculins et blancs. Coubertin ne faisait pas mystère de sa misogynie. En 1912, il s’opposait encore à la participation des femmes : « Le seul véritable héros olympique est le mâle individuel. Les olympiades femelles sont impensables. Elles seraient inintéressantes, inesthétiques et incorrectes. Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs. »
Les premiers Jeux ont été réservés aux Blancs. Coubertin, « colonial fanatique » selon ses propres mots, était un raciste et un antisémite assumé : « À la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance ». Les femmes, les Noirs, les peuples coloniaux ne pourront participer aux JO que très progressivement, en rencontrant d’importantes oppositions. Ainsi en 1960, le Vatican interdisait encore au clergé catholique de regarder des épreuves féminines. Plus récemment, le sexisme a pris d’autres formes, comme des tests de féminité humiliants pour certaines athlètes, par exemple la coureuse sud-africaine Caster Semanya.
Nationalisme et nazisme
Si les Jeux ont beaucoup évolué, ils n’ont cessé d’exalter le nationalisme le plus cocardier. C’est même ce qui les structure : tout sportif concourt sous l’étendard d’une nation, et les vainqueurs sont récompensés au son des hymnes nationaux. Dans l’entre-deux-guerres, les organisations du mouvement ouvrier se sont opposées à cette dimension chauvine en cherchant à mettre en place des modèles alternatifs. En opposition au racisme et à l’élitisme des Jeux olympiques, l’Internationale rouge du sport, née en 1921 au sein du Komintern, avait organisé des « Spartakiades », tandis que l’Internationale sportive de Lucerne, liée à l’Internationale social-démocrate, mit sur pied des « Olympiades ouvrières internationales ». Ces manifestations rassemblèrent parfois plusieurs dizaines de milliers de sportifs et autant, sinon plus, de spectateurs que les JO.
Les Jeux olympiques de Pierre de Coubertin se sont imposés parce qu’ils bénéficiaient de l’appui des États, qui les ont utilisés pour exalter les idéaux bourgeois, le nationalisme voire le nazisme. En 1936, les Jeux de Berlin furent pour le régime nazi une occasion en or de se mettre en scène ; ils bénéficièrent de l’appui admiratif du baron de Coubertin, qu’Hitler proposa en vain pour le prix Nobel de la Paix. Une campagne internationale de boycott fut organisée, en particulier aux États-Unis, car les exactions du régime nazi contre les opposants politiques, les Juifs, les Tziganes ou encore les handicapés étaient connues.
Mais Avery Brundage, un industriel du bâtiment, futur président du Comité international olympique entre 1952 et 1972, batailla avec succès contre ce boycott américain. Une fois sur place, les deux seuls Juifs de la délégation américaine furent opportunément écartés du relais 4x100 mètres qu’ils devaient courir. Cet épisode sinistre est relaté par un film récent, La Couleur de la victoire, consacré au coureur afro-américain Jesse Owens, vainqueur de quatre médailles d’or à Berlin, que non seulement Hitler ne salua pas, mais que le président Roosevelt refusa lui aussi de recevoir, pour complaire à l’opinion ségrégationniste.
Argent et dopage
Grâce aux médias, les JO sont devenus une gigantesque entreprise commerciale. L’entre-deux-guerres vit les grandes firmes privées y faire leur entrée, à commencer par Coca Cola à Amsterdam en 1928. Aujourd’hui, le premier événement sportif de la planète est une gigantesque machine à sous. Les principales dépenses sont engagées par les États et les villes organisatrices : construction d’enceintes sportives hors de proportion, d’un village olympique, d’infrastructures de transport, etc. En 2004, les JO d’Athènes, qui coûtèrent plus de 6 milliards de dollars au pays, contribuèrent à un surendettement colossal. Ceux de Rio devaient coûter 12 milliards de dollars, mais la facture finale promet d’être plus élevée.
Les bénéficiaires sont nombreux, mais les plus gros sont triés sur le volet : il s’agit d’abord des grands sponsors, des médias qui retransmettent les épreuves les plus regardées, des industriels du BTP qui construisent les infrastructures, etc. Autrement dit, les JO sont une gigantesque opération de transferts de fonds publics à des entreprises privées. C’est pourquoi les populations sont souvent opposées à la candidature de leur ville.
Quant au dopage, il n’est pas nouveau dans l’histoire des Jeux. Mais, avec leurs enjeux grandissants, il s’est généralisé. S’il n’est pas systématique, il est organisé ou toléré par certains États ou fédérations, comme l’illustre le récent scandale du dopage russe. De façon plus générale, la triche est favorisée par le caractère concurrentiel des épreuves, où un sportif peut trouver, au terme de quelques années d’efforts, la consécration ou au contraire la disgrâce, en quelques minutes voire en quelques secondes. L’histoire olympique regorge de sportifs entrés au Panthéon ou au contraire mis au ban de leur pays, en fonction de leur performance.
Les JO ne sont ni meilleurs ni pires que la société capitaliste. Ils la reflètent.