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Autriche : la valse de la démagogie
Bien qu’elle n’ait trouvé aucune trace d’une quelconque manipulation du scrutin, et bien que, selon tous les sondages sur la question, une large majorité des citoyens autrichiens soient contre une nouvelle élection, la Cour de justice constitutionnelle a ordonné, le 1er juillet, l’annulation du second tour de l’élection présidentielle.
Lors du premier tour, en avril dernier, les candidats des principaux partis, SPÖ (social-démocrate) et ÖVP (conservateur), qui dirigent le pays ensemble ou alternativement depuis des décennies, avaient été éliminés. Au second tour, le candidat indépendant proche des Verts Alexander van der Bellen ne l’avait emporté que d’une courte tête, avec 50,3 % des suffrages exprimés, contre 49,7 % pour celui du FPÖ (extrême droite) Norbert Hofer. C’est dans ce contexte que ce dernier a déposé un recours en annulation pour irrégularités.
En réalité, la Cour constitutionnelle a simplement constaté que certaines opérations de dépouillement du vote par correspondance ont commencé trop tôt, ou que des personnes non habilitées ont participé à ces opérations. Ce sont en fait des pratiques qui existent depuis des années, en particulier dans des petites communes, qui n’ont pas forcément tous les moyens humains et essaient de finir les opérations électorales le plus rapidement possible. D’ailleurs nombre d’assesseurs du FPÖ ont eux-mêmes participé à ces « irrégularités » et contresigné les procès-verbaux correspondants sans y voir de problème. La contestation du vote par les dirigeants du FPÖ n’est intervenue que deux semaines plus tard.
Pour justifier leur interprétation à la lettre de la Constitution, les juges ont expliqué qu’il fallait renforcer la démocratie.
On ne voit pas très bien en quoi elle le sera. Le comble de l’histoire, c’est que maintenant la présidence intérimaire de la République va être assumée par la présidente du Parlement et ses deux vice-présidents… dont l’un n’est autre que Norbert Hofer lui-même, ce qui revient à lui fournir un nouveau piédestal.
Une nouvelle élection va donc avoir lieu à partir de septembre. Pour l’instant, il ne semble pas sûr que cela profite au FPÖ, car beaucoup sont choqués par cette décision et le coût supplémentaire qu’elle va engendrer pour les finances publiques. Mais cette nouvelle campagne va permettre au FPÖ de développer à nouveau ses thèmes nationalistes et anti-immigrés. Hofer réclame d’ailleurs déjà un référendum sur le maintien ou non de l’Autriche dans l’Union européenne. Il réclame aussi que le vote par correspondance, qui ne lui est pas favorable, soit à l’avenir supprimé. Quel mépris pour les 740 000 électeurs qui y ont eu recours, pour un candidat dont les affiches proclamaient il y a peu que « le droit vient du peuple » !
Quoi qu’il en soit, l’avenir de la population laborieuse ne sera pas garanti par cette démocratie frelatée, qui défend avant tout les possédants et les jeux de pouvoir des politiciens à leur service. Il dépendra de sa capacité à défendre ses propres intérêts, quel que soit le locataire de la présidence de la République.