Médecins du monde : une campagne censurée15/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2498.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Médecins du monde : une campagne censurée

Lundi 13 juin, Médecins du monde aurait dû lancer une campagne d’affiches dans le métro et sur les abribus de Paris pour dénoncer le prix exorbitant de certains médicaments. Cela n’a pas été possible car aucun annonceur n’a accepté ces affiches, pour ne pas heurter les trusts pharmaceutiques.

Les dix affiches, aux messages percutants, dénoncent une situation scandaleuse. Les entreprises pharmaceutiques déterminent les prix de certains médicaments, en particulier ceux qui soignent les maladies graves, en fonction de la capacité des États à payer pour avoir accès au traitement. Le ­Sofosbuvir par exemple, qui est prescrit contre l’hépatite C, est vendu 41 000 euros en France. Il atteint 60 000 euros aux États-Unis, mais n’est facturé « que » 4 000 euros en Thaïlande et 700 euros en Égypte.

Cette pratique permet aux laboratoires pharmaceutiques de réaliser des marges gigantesques sur ces médicaments. Le Sofosbuvir est vendu 400 fois le prix de production. Comme il est écrit sur l’une des affiches, avec « un milliard d’euros de bénéfices, l’hépatite C, on en vit très bien ». Un autre médicament, le Keytruda, utilisé contre les cancers de la peau, pourrait générer 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour le laboratoire Merck qui le commercialise.

Les trusts pharmaceutiques ont eu le culot de se déclarer choqués par cette campagne, mais ils n’ont même pas eu besoin de faire pression pour obtenir qu’elle ne soit pas diffusée par les annonceurs publicitaires. Media transport, qui gère les publicités dans le métro parisien, l’a refusée, suivi par d’autres annonceurs comme JC Decaux ou Insert, spécialisés dans l’affichage urbain. Pour justifier leur refus, ils se sont appuyés sur l’avis défavorable de l’Autorité professionnelle de régulation de la publicité (ARPP), qui regroupe les professionnels du secteur. Celle-ci a invoqué hypocritement « la référence à des maladies graves » qui « pourrait être perçue comme choquante par le public », mais elle a ensuite donné la vraie raison : « le risque de réactions négatives que pourrait susciter l’axe de communication choisi, de la part de l’industrie pharmaceutique ».

Médecins du monde ne baisse pas les bras devant cette censure et a décidé, pour contourner le problème, de publier ses affiches dans les grands quotidiens nationaux et sur les réseaux sociaux. On verra si l’influence des trusts pharmaceutiques sera suffisante pour le lui interdire.

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