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Dans le monde
Brésil : corruption sans fin
En un mois de gouvernement, la droite brésilienne a égalé en impopularité la gauche, à laquelle elle a temporairement succédé le 12 mai. Ce n’est pas qu’en un mois le remplaçant de Dilma Roussef ait pris plus de mesures antipopulaires qu’en treize ans le Parti des travailleurs et ses alliés. C’est que politiciens de droite et de gauche sont fondamentalement les mêmes, corrompus, antiouvriers, tous larbins du patronat. C’est aussi que la crise économique n’a pas daigné disparaître ou s’adoucir avec l’arrivée d’un président et de ministres ouvertement de droite.
Mardi 7 juin, le procureur général a demandé à la Cour suprême l’arrestation de hauts dirigeants du PMDB, le parti du président par intérim, Temer : le président du Sénat Calheiros, l’ex-président de l’Assemblée nationale Cunha, le président de 1985 à 1989 José Sarney, et le ministre démissionnaire de la Planification Romero Juca. Après avoir été pendant treize ans les associés au pouvoir du PT de Lula et de Dilma Rousseff, ces gens ont voulu quitter le bateau qui coulait, mais ils coulent à leur tour.
Une dizaine des actuels ministres sont sous le coup d’enquêtes judiciaires, tout comme un parlementaire sur trois. Deux ministres ont déjà démissionné : Juca et Silveira. Ce dernier a été enregistré tentant d’acheter en douce le silence de l’ex-patron de Transpetro, une filiale de Petrobras, la société pétrolière nationale, première entreprise brésilienne. Situation délicate quand on est ministre de la Transparence ! Cet enregistrement a révélé que Transpetro a versé des millions de dollars à la direction du PMDB, à Calheiros, à Juca, à Sarney. Le ministre du Tourisme serait sur le départ. Quant à la secrétaire d’État à la Politique féminine, une ennemie acharnée de l’avortement, elle est carrément soupçonnée d’appartenir à une organisation criminelle.
L’hécatombe de politiciens ne va pas s’arrêter là, car deux dirigeants de géants du BTP, condamnés à 16 et 19 ans de prison, ont accepté de collaborer avec la justice et de dire ce qu’ils savent. Cela va toucher aussi la droite pure et dure, le PSDB qui formait l’opposition au gouvernement PT, même si les sales affaires dans lesquelles elle trempe ne sont en général pas les mêmes. À chacun son marigot.
À la faveur de cette crise de la droite, le PT, Lula et Dilma Rousseff tentent de reprendre l’avantage. Ils ont organisé samedi 11 juin des manifestations dans tout le pays. Mais la foule les boude : elle n’a pas la mémoire si courte. La manifestation de Sao Paulo, dont Lula était la vedette, n’a réuni que 100 000 personnes, selon les organisateurs, là où la droite il y a trois mois en a rassemblé un million et demi, selon la police.
Pendant ce temps-là la crise économique, cause première de cette crise politique, poursuit ses ravages. Les meilleurs clients du Brésil, la Chine en particulier, sont en récession et réduisent leurs achats, et les prix des matières premières chutent. Du coup, au Brésil, la production recule, et ce sont les travailleurs qui paient cette crise : le chômage frappe un travailleur sur dix, l’inflation dépasse les 10 %.
Nombre de Brésiliens, dégoûtés par la corruption des milieux politiques, réclament une purge radicale et de nouvelles élections. Rousseff elle-même promet que, si elle retrouve le pouvoir, elle organisera un référendum proposant des élections anticipées. Mais on ne voit pas comment ces nouvelles élections pourraient changer quelque chose à ce système de pouvoir basé sur des politiciens corrompus, au service de la même bourgeoisie qui alimente les caisses électorales et possède les grands médias. C’est bien au pouvoir de cette bourgeoisie qu’il faudra s’en prendre, une bourgeoisie qui a été si bien servie par Dilma Rousseff comme par tous les autres.