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- Lutte ouvrière n°2494
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Editorial
Faire entendre la colère du monde du travail
L’écrasante majorité du monde du travail est hostile à la loi El Khomri. Depuis plus de deux mois, des centaines de milliers de travailleurs le disent en faisant grève et en manifestant. À l’Assemblée nationale, le gouvernement n’a pas trouvé de majorité pour la voter. Qu’à cela ne tienne, Hollande et Valls ont dégainé l’article 49-3. Cette loi sera donc adoptée sans vote du Parlement.
« Le peuple a le pouvoir », nous dit-on. Il l’exercerait en élisant le président de la République et les députés censés voter les lois.
Mais Hollande a-t-il été élu pour démolir le Code du travail ? A-t-il été élu pour augmenter la TVA, pour généraliser le chantage à la compétitivité ? A-t-il été élu pour faire un cadeau de 41 milliards au patronat, avec le pacte de responsabilité ? Non, cela, c’était le programme de Sarkozy !
Et s’il y avait eu un vote majoritaire à l’Assemblée pour la loi travail, cela n’aurait pas été plus démocratique. Parce que ceux qui se targuent d’être les représentants de la nation ne représentent qu’eux-mêmes. Une fois élus pour cinq ans, ils veulent préserver leur poste et leurs privilèges et se moquent bien de ce que pense la majorité de la population.
Nous, Lutte ouvrière, sommes de ceux qui n’ont jamais placé leur confiance dans Hollande, les rares à avoir refusé d’appeler à voter pour lui au second tour en 2012, car nous voulions avertir les travailleurs qu’il trahirait le peu qu’il avait promis.
Mais, comme ses électeurs, nous sommes révoltés par tant d’arrogance et de cynisme.
Au-delà de cette loi, nous avons là un exemple du mode de fonctionnement de l’État et de la classe politique. Les lois ne naissent pas dans la tête des ministres ou des députés : elles sont conçues au Medef, dans les réunions de famille et les conseils d’administration des Peugeot, Dassault, Bolloré, Arnault et autres Mulliez.
Et tous les gouvernements exécutent, qu’ils soient de droite ou de gauche, parce que, pour tous, gérer les affaires de l’État, c’est gérer les affaires des plus riches. Et Hollande aura été un bon serviteur de la bourgeoisie !
Pour lanterner les classes populaires, le gouvernement répète que la crise est derrière nous.
Dans le marasme généralisé, 1 % ou 1,5 % de croissance peuvent être présentés comme une reprise. Mais le capitalisme est en crise, une crise dont on ne sortira pas, parce que le système est à bout de souffle. Il a atteint ses limites. Les capitalistes ne peuvent pas développer leurs affaires, sauf à voler des parts de marché à leurs concurrents, à se racheter les uns les autres et à spéculer.
Ils ne peuvent accroître leurs profits qu’au travers d’une féroce guerre de classe qui fait de plus en plus de victimes du côté du monde du travail.
Le chômage qui pourrit la vie de millions de femmes et d’hommes, la précarité à laquelle une grande partie de la jeunesse est condamnée, les bas salaires qui frappent des millions de salariés ne sont pas conjoncturels. Ils résultent de la domination de la bourgeoisie.
C’est pourquoi la colère qui a éclaté avec la loi El Khomri est salutaire. Depuis des années, les travailleurs subissent attaque sur attaque : report de l’âge de la retraite ; flexibilité des horaires de travail ; plans de licenciements ; augmentation des cadences ; baisse du pouvoir d’achat… La bourgeoisie n’a cessé de mener la lutte de classe et le monde du travail a subi. C’est ce qu’il faut inverser.
La loi El Khomri a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, mais la colère qui s’exprime est bien plus générale. Et elle doit continuer à s’exprimer.
Le recours au 49-3 est une provocation. C’est une raison supplémentaire de poursuivre la mobilisation.
À partir de mercredi 18 mai, malgré les tergiversations et le corporatisme de leurs organisations syndicales, une partie des cheminots devaient se mettre en grève contre la dégradation de leurs conditions de travail.
Les routiers, quant à eux, faisaient grève à partir de mardi 17 mai. Cela s’ajoutait aux journées de grèves et de manifestations appelées par les confédérations syndicales, les mardi 17 et jeudi 19 mai.
Autant dire que le gouvernement n’en a pas fini avec la contestation. Valls et Hollande ont pu clore d’autorité le débat parlementaire, en espérant ainsi imposer la loi El Khomri. Mais ils ne peuvent pas étouffer la colère qui s’est accumulée. Et celle-ci doit se faire entendre !
Éditorial des bulletins d’entreprise du 16 mai 2016