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- Lutte ouvrière n°2491
- 1er mai 1916 : à Berlin, Liebknecht lève le drapeau de l’internationalisme
il y a 100 ans
1er mai 1916 : à Berlin, Liebknecht lève le drapeau de l’internationalisme
Le 1er mai, journée internationale des travailleurs depuis sa proclamation en 1890, a toujours été et doit rester l’occasion d’affirmer que les travailleurs doivent s’unir par-delà les frontières, car ils forment une seule classe face à leurs exploiteurs.
Il y a cent ans, le 1er mai 1916, en pleine guerre, une manifestation ouvrière fut organisée à Berlin, pour dénoncer le massacre et affirmer que l’idéal socialiste était toujours vivant. En effet, quand la guerre avait été déclarée en août 1914, les dirigeants des deux grands partis ouvriers socialistes allemand et français s’étaient ralliés à l’union sacrée derrière leur gouvernement respectif. Du jour au lendemain, ils avaient livré travailleurs et militants à la pression de la vague chauvine, et aux appareils militaires qui les envoyèrent s’entretuer sur les champs de bataille.
En Allemagne, seul un petit nombre de militants avaient refusé cette capitulation, parmi lesquels Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, seul député, en décembre 1914, à refuser de voter les crédits militaires. Mais la réalité sordide de la guerre et ses conséquences pour la population ont ensuite commencé à modifier en profondeur l’opinion ouvrière. Malgré la censure, et la propagande, des manifestations contre la cherté de la vie éclatèrent à la fin de l’année 1915.
Fin avril 1916, Liebknecht et ses camarades diffusèrent des tracts appelant à manifester : « Travailleurs, camarades, femmes du peuple, ne laissez pas passer ce deuxième Premier Mai de la guerre mondiale sans en faire une manifestation du socialisme international, une protestation contre le massacre impérialiste ! En ce premier mai, nous tendrons par-dessus les frontières et les champs de bataille une main fraternelle au peuple de France, de Belgique, de Russie, d’Angleterre, de Serbie, du monde entier… »
Le 1er mai, sur la Potsdamer Platz, en plein centre de Berlin, remplie de policiers à pied et à cheval, des milliers d’ouvriers et de jeunes se rassemblèrent autour de Karl Liebknecht. Quand il proclama : « À bas la guerre ! À bas le gouvernement ! », il fut arrêté immédiatement, mais toute la soirée les manifestations continuèrent aux cris de « Vive Liebknecht ! ». Et quand il fut traduit en justice en juin, 55 000 ouvriers des usines de guerre berlinoises se mirent en grève. Liebknecht fut condamné à quatre ans de forteresse, mais il deviendra « l’homme le plus populaire des tranchées », et en novembre 1918, la révolution allemande éclatera.
À son procès, Liebknecht affirma : « Je suis ici pour accuser et non pour me défendre ! ». Et il déclara aussi que « le 1er mai est l’occasion solennelle de manifester et de diffuser les idées phares du socialisme ; il est consacré à la dénonciation de toute exploitation, de toute oppression et de toute violation des droits de l’homme, à la propagande pour la solidarité des travailleurs de tous les pays, que la guerre n’a pas fait disparaître mais qui, au contraire, se voit renforcée, et à la propagande contre ce déchirement fratricide. Cette manifestation est pour la paix et contre la guerre ».
Un siècle après, le geste de Liebknecht reste le symbole de l’internationalisme, le sens véritable de cette journée du 1er mai.