Égypte : répression policière et mensonge d’État30/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2487.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : répression policière et mensonge d’État

Les autorités égyptiennes continuent de proférer des mensonges officiels, après la découverte début février au Caire du cadavre du jeune chercheur italien Giulio Regeni.

Disparu le soir du 25 janvier, jour anniversaire de l’éviction de Moubarak, où la police quadrillait la ville dans le but de disperser tout rassemblement, le jeune homme avait été retrouvé mort, visiblement après avoir été torturé durant plusieurs jours. Niant toute implication dans l’affaire, les services de sécurité ont d’abord fait courir des rumeurs sur de prétendues fréquentations homosexuelles de l’étudiant. Puis l’hypothèse du crime crapuleux a été évoquée. À aucun moment sa famille ni ses amis égyptiens ou italiens ni même les autorités italiennes n’ont accordé de crédit à ces allégations. Tous continuent d’exiger de l’État égyptien la vérité sur l’assassinat de Giulio Regeni.

Or la Sécurité égyptienne vient opportunément de trouver des preuves à l’appui de sa thèse. Un gang de quatre criminels aurait été débusqué, en possession du passeport et du sac de l’étudiant. Malencontreusement tués lors de leur arrestation, ils ne peuvent plus témoigner. Qu’à cela ne tienne, des femmes de la famille de l’un d’eux ont été à leur tour arrêtées, afin sans doute de tenter de rendre plausible la version policière de l’affaire. Les proches de Regeni, au fait des travaux de ce dernier sur le mouvement ouvrier et les syndicats indépendants en Égypte, de ses articles critiques envers la dictature dirigée par l’ex-maréchal Abdel Fatah al-Sissi, ne croient aucunement à cette mise en scène.

Et ce d’autant moins que, pour un Européen, des dizaines de cas semblables concernant des opposants égyptiens, réels ou supposés, se produisent chaque mois dans le pays. Une ONG a recensé 340 disparitions forcées, rien qu’entre août et novembre 2015, opérées par les sbires de la Sécurité dans le but d’extorquer des aveux sous la torture et, plus largement, de faire taire toute opposition au régime.

L’arsenal de lois répressives édictées en particulier après l’éviction du président Morsi, membre des Frères musulmans, ne semble pourtant pas suffire à faire taire les manifestations de mécontentement dans la population. Les grèves se succèdent, comme récemment celle des éboueurs de la compagnie Nahdat, à Alexandrie, qui ont arrêté plusieurs jours le travail et manifesté pour obtenir le paiement de leurs salaires de janvier et février ; aussitôt que le patron eut promis de régler le problème, les manifestants ont été confrontés à des policiers armés et menaçants.

À la mi-mars, la dernière dévaluation de la livre égyptienne par rapport au dollar s’est immédiatement traduite par une augmentation des prix des produits de première nécessité – le kilo de riz est par exemple passé de 4 livres à 6,50. Le pouvoir risque donc d’avoir de plus en plus à faire face au mécontentement populaire. La répression contre les salariés en grève, les opposants de gauche et tous ceux qui dénoncent la dictature d’al-Sissi ne suffira sans doute pas à faire taire une population de plus en plus appauvrie.

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