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Allemagne : l’extrême droite exploite la crise des migrants
Les élections régionales de dimanche 13 mars dans trois Länder, les États-régions d’Allemagne, auxquelles ont participé près de treize millions d’électeurs, ont été marquées par d’importants déplacements de voix, et surtout par le succès brutal du parti d’extrême droite AfD, Alternative für Deutschland, l’Alternative pour l’Allemagne.
Ce parti, créé en 2013, n’existait pas lors des dernières élections régionales. Il a recueilli 12,6 % en Rhénanie-Palatinat, 15 % dans le Bade-Wurtemberg, deux Länder de l’ouest, et même plus de 24 % en Saxe-Anhalt, à l’est de l’Allemagne.
Jamais depuis 1945 l’extrême droite n’avait enregistré de tels succès. Même ces dernières années, alors que dans la plupart des pays européens elle gagnait du terrain, l’Allemagne semblait rester relativement imperméable à sa démagogie, en partie à cause de la forte présence de l’histoire du nazisme : il y avait une répulsion, presque un tabou contre les idées nationalistes, racistes, sachant à quelles horreurs elles ont conduit. Maintenant, depuis plusieurs mois, la parole d’extrême droite se libère mais pour beaucoup de gens en Allemagne, ce succès électoral a été un choc.
Le 13 mars, la participation électorale a nettement augmenté partout, de l’ordre de 10 % en Rhénanie-Palatinat et en Saxe-Anhalt. Une partie des abstentionnistes habituels sont retournés voter cette fois, et ils se sont déplacés pour donner leur voix à l’AfD. Pour le reste, à peu près tous les partis ont perdu des voix au profit de l’extrême droite, et parfois massivement.
Dans un contexte de désillusion envers les partis politiques, et d’autant plus que les deux grands partis gouvernent ensemble, non seulement le pays, mais souvent également au niveau des Länder, une partie du succès de l’AfD vient de sa rhétorique antisystème. Elle se présente comme le renouveau face aux partis installés, indifférents au sort des petites gens. Elle utilise la peur de la misère et du chômage, en particulier dans les régions plus pauvres de l’Est.
En outre, la crise des réfugiés, avec l’arrivée massive de migrants en Allemagne depuis huit mois et le refus de la plupart des États européens d’en prendre une part, suscite de l’inquiétude et est un facteur important de ce vote d’extrême droite. 1,1 million de réfugiés ont gagné l’Allemagne l’an dernier, et l’AfD engrange ses succès d’abord pour avoir vitupéré contre la politique d’accueil du gouvernement Merkel.
D’un autre côté, depuis des mois, une partie significative de la population allemande s’est engagée d’une manière ou d’une autre dans l’accueil des réfugiés, leur apportant une solidarité précieuse pour rendre leurs conditions de vie supportables. Les liens qui se sont créés à partir de ces formes d’aide élémentaire peuvent être une première étape vers une prise de conscience, la conscience que les travailleurs, qu’ils vivent en Allemagne depuis deux générations ou qu’ils arrivent tout juste, font partie de la même classe ouvrière, une classe unie par des intérêts et un destin communs. Seule cette conscience serait à même de faire reculer l’influence de l’extrême droite, avec la conviction que les divisions selon la couleur de peau, la religion ou l’origine géographique ne peuvent qu’affaiblir l’ensemble des travailleurs.