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Tchad : la jeunesse refuse la dictature
Au Tchad, à la mi-février, cinq fils de dignitaires ont séquestré et violé une jeune lycéenne, avant de poster la vidéo de leur crime sur les réseaux sociaux. Ce n’est, paraît-il, pas rare. Mais cette fois, malgré les menaces, la victime, fille d’un opposant politique, a dénoncé publiquement ses agresseurs, provoquant une vague d’indignation dans le pays.
Pour tenter de la désamorcer, les autorités tchadiennes ont alors arrêté neuf personnes, dont trois fils de généraux et un fils du ministre des Affaires étrangères, tous accusés d’abus sexuel, tout en interdisant de manifester et en interrompant l’accès aux réseaux sociaux.
Cela n’a pas suffi : à N’Djamena, la capitale, puis dans les grandes villes du pays, des manifestations lycéennes ont éclaté, aussitôt réprimées par l’armée et faisant au moins deux morts. Des dizaines de lycéens ont été arrêtés et battus. Le pouvoir est coutumier de tels agissements : en janvier 2015, il avait réprimé violemment des manifestations de jeunes qui protestaient contre leur mise à l’écart de la liste du baccalauréat à Doba. Il y avait eu alors plusieurs tués.
Le 24 février, une journée ville morte, appelée par un collectif mené par les principaux syndicats et réclamant le départ du président Idriss Deby Itno, a été largement suivie, y compris en province. Ces différentes manifestations interviennent alors que celui-ci, au pouvoir depuis vingt-six ans, a annoncé briguer un cinquième mandat à l’élection présidentielle, prévue le 10 avril. Il promet, sans rire, une réforme constitutionnelle limitant à deux les mandats présidentiels, règle qu’il avait lui-même abrogée en 2004.
Le régime sait qu’il peut compter sur la complicité des grandes puissances, à commencer par la France. Depuis son arrivée au pouvoir, Deby a multiplié les interventions militaires pour leur compte : N’Djaména est la base de l’état-major et des forces aériennes de l’opération Barkhane, composée des troupes françaises et africaines censées combattre les djihadistes au Sahel. L’armée tchadienne a aussi été utilisée au Mali et en Centrafrique. Qu’importe alors au gouvernement français qu’un si bon allié écrase dans le sang sa propre population.