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Leur société
Calais : la violence de l’État contre les réfugiés
Autorisée par la décision du tribunal administratif de Lille et ordonnée par la préfète Fabienne Buccio, la destruction de la zone Sud du bidonville où vivent 3 000 migrants a débuté lundi 29 février au matin avec le bouclage de la zone par trente véhicules de CRS et deux camions antiémeutes et par l’entrée en action des bulldozers.
Comme tous les militants des associations d’aide aux migrants, François Guennoc de l’Auberge des migrants a exprimé son indignation face à cette violence : « Les policiers sont arrivés le matin et ont demandé aux migrants encore présents de partir et dans la foulée, ils ont tout démoli. » Tentes et cabanes ont été défoncées à coups de massues et de pieds de biche par des agents protégés par la police. Le démantèlement, selon les recommandations de la juge, ne devait viser que les abris inoccupés, se faire progressivement et par la persuasion. Mais comme l’a dénoncé un responsable de Médecins sans frontières : « Il a en réalité ciblé tous les logements de la zone densément occupée et habitée, et cela a inévitablement dégénéré en violences, dans un camp où vivent des familles et des enfants ».
Les CRS, déployés en nombre impressionnant, interdisent l’accès de certaines parties du bidonville aux bénévoles et aux journalistes. Les réfugiés qui n’évacuent pas assez vite reçoivent des grenades lacrymogènes. Certains pour protéger leurs abris montent sur les toits. D’autres lancent des pierres sur les policiers ; ceux-ci répliquent par gazage, usage de flashball, canon à eau, matraquage. Les charges des policiers se soldent par des incendies, des explosions de bouteilles de gaz dans les cabanes qui brûlent ; les migrants révoltés alimentant le feu par des débris. Le soir a eu lieu un affrontement entre les policiers et quelque 150 migrants, armés pour certains de barres de fer, qui ont réussi à s’introduire sur la rocade grillagée qui jouxte la jungle. L’opération devait se poursuivre les jours suivants.
Les bénévoles sont écœurés par ce gâchis : il y a huit mois, ils ont aidé les migrants à évacuer les squats de la ville pour les aider à s’installer dans ce bidonville toléré à la périphérie, puis pendant des mois ils ont travaillé à construire ces cabanes ; ils ont dû se battre en justice pour améliorer l’hygiène, pour obtenir l’installation de points d’eau refusés par les autorités. Et il ne reste rien. Aujourd’hui les réfugiés n’ont nulle part où aller. « Ces gens veulent rejoindre la Grande-Bretagne, ne partiront pas et seront encore plus précarisés, surtout en plein hiver », constate François Guennoc.
La préfète qui, comme le ministre de l’Intérieur Cazeneuve, avait promis une opération pacifique, justifie cette intervention de la force policière, par la prétendue agression des militants de No Border : les jours précédents ils auraient entravé le travail des agents envoyés en maraude auprès des réfugiés pour les convaincre de quitter le bidonville et de partir hors de Calais. Il s’agissait de les envoyer dans des centres de répit pour y déposer une demande d’asile en France que de toute façon la plupart n’obtiennent pas. Les associations d’aide aux migrants ne sont pas dupes de ce prétexte : « Les politiques disent une chose un jour et font le contraire le lendemain. Sans violence, ils ne parviendront jamais à vider le bidonville. Ils le savent et tout est prétexte à faire venir des forces de l’ordre » a accusé le président de L’Auberge des migrants, Christian Salomé.
Cela fait des années que l’État français use de cette violence contre les réfugiés aspirant à passer en Angleterre et coincés à Calais. En faisant donner sa police, Cazeneuve est bien dans la tradition des Guéant ou Hortefeux qui agissaient ainsi sous la présidence de Sarkozy.