Grande-Bretagne : « Brexit » et attaques contre la classe ouvrière24/02/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/02/2482.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : « Brexit » et attaques contre la classe ouvrière

Après des mois de marchandages visant, selon ses propres mots, à réformer l’Union européenne, Cameron a finalement annoncé triomphalement avoir obtenu la réforme qu’il exigeait. Moyennant quoi il appellera les électeurs à voter lors du référendum le 23 juin pour le maintien de la Grande-Bretagne dans cette Union réformée.

Les ténors du Parti conservateur se sont aussitôt positionnés. Parmi les partisans du non, les uns se prononcent pour le Brexit (la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne). D’autres, comme le ministre de la Justice Michael Gove et le maire de Londres Boris Johnson, appellent à voter non, tout en disant que cela mettra le gouvernement en position de négocier une meilleure réforme, permettant à la Grande-Bretagne de s’y maintenir à l’issue d’un deuxième référendum. Derrière tout cela, se dessine le déchaînement des rivalités dans la course à la succession de Cameron après la prochaine élection de 2020, succession à laquelle ces ténors sont candidats.

Autant dire que tout le bruit autour du Brexit procède avant tout de la gesticulation politicienne. Au milieu des surenchères des uns et des autres, Cameron cherche, sans grand succès, à neutraliser la faction eurosceptique de son parti tout en coupant l’herbe sous le pied au parti populiste antieuropéen UKIP. Mais, d’autre part, il tient à satisfaire les exigences du grand capital britannique qui, lui, ne veut pas d’une sortie de l’UE.

La réforme que Cameron se targue d’avoir emportée de haute lutte se résume en fait à peu de chose. Sans doute, dans la présentation qu’il en a faite à la télévision le 21 février, Cameron a-t-il prétendu que cette réforme « nous garantit pour toujours un statut spécial dans l’Union européenne. De sorte que nous n’adopterons jamais l’euro, nous ne participerons jamais au sauvetage d’un pays de la zone euro, que nous ne rejoindrons jamais une zone de libre circulation ». Mais n’est-ce pas là tout simplement le constat d’un état de fait ? Quant à la prétention de Cameron de pouvoir ainsi lier les mains des futurs gouvernements britanniques, elle ne peut engager que lui-même et il le sait bien.

Le statut spécial de la Grande-Bretagne date de l’époque où, dans les années 1980, Margaret Thatcher avait négocié le fameux rabais permettant à la Grande-Bretagne de réduire sa contribution au budget de l’UE, au motif qu’elle bénéficiait moins que d’autres pays membres, en particulier que la France, des subventions agricoles européennes. Ce statut fut ensuite renforcé par les gouvernements travaillistes de Tony Blair et Gordon Brown, qui obtinrent d’être exemptés de certaines réglementations européennes, dans le domaine financier en particulier, celui qui comptait pour la City de Londres.

Autant dire que la réforme de l’Union européenne dont se targue Cameron n’est que du vent. Sauf sur un point, néanmoins : le statut des travailleurs migrants européens en Grande-Bretagne. Ce sont en effet eux qui vont faire les frais de ces surenchères démagogiques, avec la complicité de tous les gouvernements européens. Car l’autre volet de l’accord passé au sommet de Bruxelles du 20 février limite leurs droits en matière de protection sociale. En particulier, les nouveaux immigrants devront désormais avoir résidé pendant quatre ans en Grande-Bretagne pour pouvoir bénéficier de l’intégralité des allocations sociales prévues pour les bas revenus. Qui plus est, les allocations familiales versées à ces travailleurs pour ceux de leurs enfants restés au pays seront réduites.

Il s’agit donc d’une attaque contre une partie de la classe ouvrière, qui fait suite à la campagne menée depuis des années par Cameron et son parti, accusant les migrants européens de vivre en parasites du système de protection sociale et d’en grever les ressources. Qu’importe si les statistiques officielles montrent qu’au contraire les travailleurs de l’UE bénéficient moins des allocations sociales, en proportion de leur nombre, que les travailleurs britanniques. Qu’importe également si les mêmes statistiques montrent que ces travailleurs rapportent infiniment plus aux finances britanniques qu’ils ne coûtent au système de protection sociale. Il fallait au Parti conservateur un bouc émissaire pour donner le change devant un électorat de plus en plus écœuré par sa politique d’austérité. Et tant pis si, du même coup, cette démagogie fait le lit d’un parti xénophobe comme Ukip qui, même s’il n’occupe encore guère de place dans les institutions, n’en exerce pas moins une influence réelle sur la vie politique.

Ce qui est certain, c’est qu’entre l’Europe version Cameron, qui crée une classe ouvrière à deux vitesses en fonction de la nationalité, et l’isolement nationaliste dont les partisans du non se font les champions, le référendum du 23 juin n’offrira aucun choix aux classes laborieuses.

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