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Editorial
Une économie délirante
En titrant « Hollande : Monsieur Bricolage », le journal Le Parisien a dit l’essentiel du remaniement ministériel qui a fait entrer dans le gouvernement trois écologistes et recyclé Ayrault aux Affaires étrangères.
Ce manège politicien, comme celui de la primaire à droite, amuse les médias, mais il est sans intérêt pour les travailleurs. Hollande a changé de marionnettes, pas de politique. Et sa politique, on la connaît pour la subir depuis près de quatre ans.
Que ce soit le patronat, la droite ou le gouvernement prétendument socialiste, ils étaient tous d’accord : pour que l’économie reparte, il fallait réduire les dépenses publiques et les déficits. Pour que les entreprises rétablissent leurs marges, il fallait gagner en compétitivité, restructurer, licencier.
Et cela a été fait. Au nom de cette satanée productivité, des centaines de milliers de femmes et d’hommes ont perdu leur travail. Des millions d’autres ont sacrifié leur salaire, leurs jours de RTT, leurs conditions de travail, pour que l’entreprise grappille quelques centimes sur le concurrent.
Quel que soit leur secteur, l’automobile, les transports, la banque, tous les salariés sont soumis à une discipline de fer. Et ils en produisent des richesses, ils en suent des profits et des milliards !
Où conduit cette accumulation de bénéfices et de dividendes ? Y a-t-il eu les investissements promis ? L’avènement d’une nouvelle économie plus moderne, plus prospère ? Non.
Le grand patronat l’avoue : les perspectives d’investissement sont toujours mauvaises, parce que les carnets de commandes ne sont pas suffisamment remplis.
Les milliards que les capitalistes extraient de la production et de l’exploitation des travailleurs ne leur suffisent pas. Il leur faut encore les placer, les faire fructifier, le plus possible et le plus vite possible. Et, dans ce contexte de crise, ce sont la finance et la spéculation qui offrent toujours les meilleurs débouchés.
Autrement dit, plus les travailleurs triment et produisent des richesses, plus leurs conditions de travail et de vie se dégradent, et plus la spéculation grandit ! Y a-t-il plus fou que cette économie ?
Aujourd’hui, tous les experts s’inquiètent d’un nouveau krach. Depuis le premier janvier, les Bourses mondiales ont perdu entre 10 et 15 %.
« Les marchés sont fébriles et les bourses nerveuses », nous dit-on. Que c’est joliment dit ! La réalité, c’est que la spéculation se poursuit à coups de milliards et que la crise de 2008 n’a rien changé au comportement avide et irresponsable du capital.
Le parasitisme toujours plus grand de la bourgeoisie et les interventions des banques centrales, qui ont injecté plus de 6 000 milliards dans la finance, ont porté les bulles spéculatives et le danger de krach à un niveau inédit.
Tout est objet de spéculation. Le moindre événement, la moindre annonce, que ce soit le ralentissement de la croissance chinoise ou les aléas des élections américaines, tout peut provoquer le déplacement brutal de dizaines de milliards de capitaux.
On pourrait se dire que cela ne nous concerne pas et que les pertes toucheront les seuls spéculateurs. Au casino, comme au PMU, seuls ceux qui jouent risquent d’y perdre gros. Mais au casino capitaliste, les joueurs ne jouent pas qu’avec leur portefeuille personnel.
Ils jouent avec les finances des entreprises et l’argent produit sur le dos des travailleurs. Ils jouent avec l’argent placé dans les banques, avec celui de l’assurance-vie. Ils jouent sur le cours des matières premières et des denrées alimentaires, sur les monnaies et les dettes des États.
Un krach financier aura forcément de graves conséquences sur la production, sur la marche des usines et sur le chômage.
Faut-il rappeler la catastrophe sociale engendrée par la crise de 2008 ? Faut-il rappeler les millions de chômeurs, l’effondrement brutal des salaires et de la protection sociale qu’elle a entraîné dans tous les pays ?
Si l’éclatement d’une bulle spéculative affecte le système bancaire, comme cela s’est produit en 2008, ce sera pire encore. Même s’ils s’agitent pour faire croire le contraire, les gouvernements ne maîtrisent rien. Au-dessus d’eux, ce sont les lois folles du profit et de la concurrence qui s’imposent.
Cette économie, aussi injuste qu’irrationnelle, représente un gâchis sans nom. Imaginons ce qu’il aurait été possible de faire avec les 6 000 milliards donnés à la finance. Alors, il ne faut pas accepter de se saigner pour un tel système. Il faut le changer du tout au tout. C’est notre peau qui est en cause.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 15 février 2016