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Ukraine : une démission révélatrice
Le ministre de l’Économie Aivaras Abromavicius a démissionné du gouvernement ukrainien en l’accusant de corruption, le 3 février. Reprenant publiquement ses accusations, quatre de ses collègues avaient aussi déclaré vouloir démissionner, avant de faire machine arrière.
Ce scandale tombe on ne peut plus mal pour le Premier ministre, Arseni Iatseniouk, qui devait engager la responsabilité de son cabinet devant la Rada (l’Assemblée nationale) mi-février. Du coup, lui aussi a parlé de démission, avant de n’en rien faire.
Il y a quelques semaines, le même Iatseniouk avait été éjecté de la tribune de la Rada par des députés qui l’accusaient de corruption. Peu après, c’est en plein Conseil des ministres que deux des présents s’étaient écharpés en se lançant au visage de telles accusations, verres d’eau à l’appui.
Cela pourrait faire sourire si, dans une Ukraine à bout de souffle, les classes populaires n’étaient chaque jour enfoncées un peu plus dans la misère par la crise, le chômage, les salaires non versés et qui fondent avec l’inflation, et par leurs dirigeants. Car les gouvernants ukrainiens n’ont qu’une idée en tête : s’enrichir au plus vite, et cela quoi qu’il en coûte… à la population.
Bien sûr, Abromavicius n’est pas le chevalier blanc qu’il prétend. Cet ancien banquier, que l’homme d’affaires et président ukrainien Petro Porochenko était allé chercher en Lituanie pour en faire son ministre, parce qu’il pensait que cela pouvait rassurer les milieux financiers internationaux, avait précisément la charge d’imposer des plans d’austérité renforcés aux travailleurs d’Ukraine, de sabrer dans les dépenses sociales, les retraites.
En outre, depuis qu’il dirigeait son ministère, il était bien placé pour observer – et couvrir – toute une série de manœuvres destinées à remplir les poches de tel ou tel clan, de personnages influents et de leurs proches. Cela, sans oublier les sociétés occidentales qui viennent faire leur marché dans une économie ukrainienne à genoux : les unes en inondant le marché de la distribution, les autres en rachetant à vil prix des entreprises qui ferment, certaines en s’appropriant des terres agricoles…
Significatif est le mot pillage qu’a employé Abromavicius pour qualifier les pressions qu’il subissait d’un dirigeant et ami du président ukrainien, qui voulait « placer ses alliés dans les entreprises » dont le ministre avait la charge. Les dirigeants ukrainiens actuels sont arrivés au pouvoir il y a deux ans, en chassant le président Ianoukovitch, honni de la population, qui voyait en lui le prototype du bureaucrate corrompu entouré d’une cour de parasites. Mais depuis, pas grand-chose n’a changé en ce domaine. Les magnats des affaires de l’ère précédente sont restés aux commandes, les mœurs de la bureaucratie ukrainienne sont toujours aussi pourries, partant du principe que détenir le pouvoir, ou être allié de qui s’y trouve, reste le meilleur moyen et le plus rapide de faire fortune en pillant l’économie et la population.
La seule chose qui a changé, c’est le langage violemment antirusse, anticommuniste et pro-occidental des affairistes-voyous qui se trouvent au pouvoir en Ukraine. La population en est de moins en moins dupe, à en juger par de récents sondages qui donnent le président actuel à un taux d’impopularité supérieur à celui de son prédécesseur à la veille de son renversement !
Cela émeut évidemment les protecteurs ouest-européens et américains des actuels dirigeants ukrainiens, inquiets de constater leur faiblesse et de voir s’étaler au grand jour leurs turpitudes. Mais, pour paraphraser ce qu’un président américain disait d’un dictateur latino-américain allié des États-Unis, « Oui, ce sont des salopards, mais ils sont des nôtres. » L’Europe et les États-Unis ont misé sur l’équipe au pouvoir à Kiev pour tenir la population ukrainienne et pour aider l’Occident face à la Russie dans la région de l’ex-Union soviétique. Alors, lutte contre la corruption ou pas, Paris, Londres, Berlin et Washington soutiennent les Porochenko, Iatseniouk et compagnie. Ils leur délivrent même des brevets de démocratie, d’autant plus volontiers que cela ne leur coûte rien.