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Leur société
Constitution : démagogie sécuritaire et xénophobe
L’Assemblée nationale doit entamer vendredi 5 février l’examen du texte, pompeusement intitulé « loi de protection de la nation », proposant d’inscrire dans la Constitution l’état d’urgence et une disposition autorisant la déchéance de la nationalité française « pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation ».
Comme Valls l’avait annoncé quelques jours plus tôt, la référence explicite aux binationaux a disparu du texte. Mais ceux-ci sont, dans les faits, les seuls concernés par la déchéance de nationalité, puisque le même texte précise que cette peine ne peut être prononcée « si elle a pour résultat de rendre la personne condamnée apatride ».
Le gouvernement a trouvé ce tour de passe-passe sémantique pour tenter de sortir de l’imbroglio politique qu’il avait lui-même créé. En effet, annoncée par Hollande lui-même après les attentats du 13 novembre, cette mesure s’inscrivait dans la panoplie sécuritaire mise en avant par le gouvernement, préoccupé de ne pas prêter le flanc aux critiques de la droite et de l’extrême droite. Hollande, qui n’était plus à un reniement près, avait ainsi repris à son compte une des mesures phares du programme de Sarkozy et du Front national.
Après cette annonce, les réactions n’ont pas manqué. À droite, de la part de ceux qui étaient gênés d’avoir à apporter leur soutien au gouvernement socialiste. À gauche, de la part de ceux qui, au sein même de la majorité gouvernementale, se retrouvaient contraints de défendre une mesure aux relents de pétainisme qu’ils avaient critiquée jusque-là. Ainsi, après avoir exprimé son désaccord, Taubira a fini par démissionner, tout en continuant d’assurer Hollande de son loyalisme et de son estime. Le titre du livre publié au lendemain de sa sortie du gouvernement, Murmures à la jeunesse, illustre parfaitement le niveau sonore de son opposition.
Même les plus farouches partisans de la déchéance de nationalité la présentent comme une mesure symbolique, personne ne pouvant raisonnablement prétendre qu’elle est susceptible de dissuader des terroristes de passer à l’acte. Il s’agit donc bien d’une mesure inepte et inutile pour lutter contre le terrorisme. Par contre, comme le soulignent à juste titre nombre de ses opposants, elle enrichit l’arsenal répressif à la disposition des gouvernements pour réprimer, dans l’avenir, des personnes mettant en danger la vie de la nation, expression suffisamment vague pour pouvoir s’appliquer largement. Enfin, et ce n’est pas le moins grave, en désignant la partie de la population ayant des origines étrangères, les binationaux, comme des terroristes potentiels et comme des citoyens méritant un traitement particulier, cette mesure ne peut que contribuer à alimenter le racisme et la xénophobie.
Mais tout cela n’est pas de nature à arrêter Hollande et Valls, qui sont bien déterminés à exploiter le plus possible le filon sécuritaire pour tenter de capter une partie de l’électorat réactionnaire lors de la prochaine élection présidentielle. Et, depuis deux mois, les faux débats autour de la question de la déchéance de nationalité ont permis d’occuper la scène médiatique et d’éviter aux divers politiciens d’avoir à parler de leurs solutions pour mettre fin au chômage et aux licenciements. Et cela tombe bien, car ils n’en ont pas !