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Grande-Bretagne : grève des médecins et santé en crise
Le 12 janvier, une grève de 24 heures de 45 000 médecins hospitaliers – la première depuis quarante ans – a illustré la situation catastrophique du Service national de santé britannique, le NHS.
Créé en 1948 par la nationalisation de toutes les infrastructures de santé, le NHS avait pour but de fournir à tous des soins gratuits, du médecin généraliste aux services hospitaliers les plus pointus. Il suivait un plan conçu dans le cadre de l’économie de guerre de la Seconde Guerre mondiale avec l’approbation de la bourgeoisie. Mais s’il s’agissait d’améliorer la santé de la population, et en particulier celle de la classe ouvrière afin d’en augmenter la productivité, son objectif était de le faire à un coût minimum.
Soixante-huit ans plus tard, le NHS reste un colosse. Avec 1,6 million de salariés, soit près de 6 % de la population active, c’est le cinquième plus gros employeur de la planète. Il traite cinq millions de patients par semaine et son budget annuel s’élève à quelque 160 milliards d’euros.
Ce budget a toujours été une manne pour l’industrie pharmaceutique. En plus, au cours des trois dernières décennies, les gouvernements se sont efforcés d’en faire profiter beaucoup plus largement les entreprises, que ce soit par le biais de partenariats public-privé, ou en sous-traitant des prestations telles que des IRM ou de la chirurgie courante auprès d’entreprises privées qui se sont vite développées pour vivre en parasites du NHS.
Le NHS a toujours souffert d’un manque chronique de moyens. Mais avec la montée en puissance du parasitisme privé sous le gouvernement Blair, puis avec les coupes dans les budgets sociaux à partir de la fin 2007, la situation a tourné à la catastrophe.
En 2015, pour la seule Angleterre, les hôpitaux ont ainsi terminé l’année avec un déficit de trois milliards d’euros, forçant Cameron à quelques concessions. Reste que, depuis 2010, le budget du NHS n’a augmenté que de 0,8 % par an alors que ses coûts augmentaient de 5 %. Et surtout, depuis l’an dernier, un programme de 30 milliards d’euros d’« économies » par an a été lancé par le gouvernement.
Résultat, les effectifs baissent et des services, voire des hôpitaux entiers, sont fermés. Il faut des semaines, voire des mois d’attente pour le moindre examen. Aux urgences, l’objectif officiel est un délai d’attente de moins de quatre heures pour voir quelqu’un, mais les blessés font la queue interminablement sur des brancards avant qu’on ne s’occupe d’eux. Pour les malades atteints du cancer, l’objectif officiel est qu’ils soient vus par un spécialiste 62 jours au plus après le diagnostic ! Autant dire que leur état a tout le temps de s’aggraver.
Comme si le manque d’effectifs n’était pas assez dramatique, il a fallu que Cameron, dans sa campagne démagogique contre les immigrés, fasse passer une loi prévoyant l’expulsion des ressortissants de pays non-européens après six ans si leur salaire est inférieur à 4 000 euros par mois, c’est-à-dire bien plus que celui d’une infirmière et d’une partie des médecins. Or ces travailleurs représentent 11 % des effectifs du NHS et plus de 20 % chez les médecins !
En plus, Cameron vient d’annoncer la fin des bourses pour les élèves infirmières, qui devront désormais emprunter pour payer leurs études et se retrouver après avec une dette équivalente à deux années de salaire !
C’est en réponse à une autre attaque de ce genre que ces 45 000 médecins hospitaliers ont fait grève le 12 janvier. Il s’agit des médecins « juniors » qui travaillent pendant sept à quatorze ans, après leurs six années d’études, avant de se spécialiser. Ce sont ces médecins qui font les tâches ne nécessitant pas la supervision de spécialistes, assurent leurs permanences ainsi que les gardes de nuit et de week-end et les astreintes. Et cela signifie des semaines qui parfois peuvent atteindre 90 heures.
Or le gouvernement Cameron n’a rien trouvé de mieux que de vouloir leur imposer un nouveau contrat de travail qui, sous prétexte de faire fonctionner toutes les activités hospitalières 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 (y compris les consultations !), leur diminue leur salaire de plus de 20 % en moyenne, à moins qu’ils n’augmentent encore leurs horaires de travail.
Il ne faut donc pas s’étonner que la colère ait fini par déborder et que la grève du 12 ait été bien suivie, accompagnée de piquets de grève fournis et de nombreuses manifestations, en attendant de nouvelles grèves si Cameron ne recule pas. D’autant que les grévistes sont portés par la sympathie de la grande majorité de la population qui, elle aussi, en a ras le bol du sabotage organisé du NHS par un gouvernement qui n’a d’argent que pour remplir les poches des classes possédantes.