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Centrafrique : des élections pour satisfaire Hollande
Le premier tour des élections présidentielles et législatives a eu lieu en République centrafricaine le mercredi 30 décembre. Il avait été reporté à huit reprises, mais François Hollande, qui est le vrai maître de l’agenda politique en Centrafrique, a imposé que le scrutin ait lieu avant la fin 2015, quelle que soit la situation dans le pays. Il espère que cette mascarade électorale fera oublier la triste situation dans laquelle se débat la population, deux ans après l’intervention de l’armée française.
500 000 personnes, soit un habitant sur cinq, se sont enfuies loin de chez elles et n’osent toujours pas y revenir. La moitié vivent dans des camps à l’intérieur du pays, dont 50 000 à Bangui même, la capitale, qui est pourtant la ville où patrouillent le plus de soldats français et de forces de l’ONU, censés assurer la sécurité de la population. L’autre moitié ont trouvé refuge dans les pays voisins, Tchad, Cameroun, République démocratique du Congo.
Cette situation dramatique est l’aboutissement de décennies pendant lesquelles les présidents centrafricains n’ont rien fait d’autre que permettre à l’impérialisme français de piller les richesses du pays et de s’enrichir eux-mêmes. Ils ont été tenus à bout de bras par tous les gouvernements français, dont l’armée est intervenue à sept reprises depuis l’indépendance. Les élections qui viennent de se dérouler changeront d’autant moins cet état de fait que les principaux candidats ont largement participé à ce désastre. Martin Zinguélé comme Anicet Dologuélé se sont succédé comme Premiers ministres d’Ange Patassé, président du pays de 1993 à 2003. Tous deux ont aussi été à la tête d’institutions bancaires africaines, qui servent de relais aux grandes puissances pour étrangler les pays pauvres. Ils font partie du vivier d’hommes politiques dont la France dispose sur place pour continuer à imposer sa volonté, tout comme un autre favori, Karim Meckassoua, grand ami du président congolais Denis Sassou-Nguesso.
Lorsque l’armée française est intervenue en décembre 2013, la Centrafrique échappait pour la première fois au contrôle de la France. La Séléka, une coalition de groupes armés venus des régions musulmanes du nord-est du pays, avait réussi à renverser l’ancien dictateur François Bozizé et faisait régner la terreur. L’arrivée des troupes françaises remit promptement la direction des affaires centrafricaines entre les mains de Paris, mais ne diminua en rien cette terreur. Des milices dites anti-balaka pénétrèrent dans Bangui en même temps que les troupes françaises et se jetèrent sur les quartiers musulmans, assassinant et pillant à qui mieux mieux. Elles étaient encadrées par d’anciens soldats de l’armée centrafricaine qui agitaient le spectre de l’invasion islamique et faisaient l’amalgame entre les pillards de la Séléka et l’ensemble de la population musulmane, pour entraîner derrière eux la jeunesse des quartiers et des villages.
Ces expéditions meurtrières plongèrent le pays dans une escalade de violences intercommunautaires qui a abouti à une véritable partition ethnique, pour le plus grand malheur de ceux qui durent s’enfuir comme de ceux qui tentèrent de survivre dans une enclave assiégée en territoire hostile.
Depuis, la seule évolution pour la population a été l’éclatement aussi bien de la Séléka que des anti-balaka en de nombreux groupes dont le point commun est de vivre du racket de la population. Les jours de marché, les miliciens rançonnent les paysans venus vendre leurs produits au village. Ils érigent des barrages sur les axes routiers ou fluviaux pour taxer ceux qui se déplacent. Les enlèvements, les assassinats sont légion, et ces bandes de voyous en armes frappent avec la même violence les membres de leur communauté, dont ils se proclament les protecteurs, que ceux de la communauté adverse.
Mais, dans ce chaos, la Centrafrique va avoir un président élu, donc légitime, pour que le pillage du pays par l’impérialisme se perpétue, et c’est pourquoi Hollande se réjouit que ces élections aient finalement eu lieu.