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Brésil : la présidente atteinte par la crise
La présidente brésilienne, Dilma Rousseff, est désormais sous le coup d’une procédure de destitution. Jeudi 3 décembre, le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, a autorisé cette procédure à suivre son cours. « Je ne fais pas ça de gaieté de cœur », a-t-il déclaré. On le croit volontiers : il l’a fait pour tenter de contrer l’enquête pour corruption qui le menace lui-même. Car tous ces politiciens se tiennent par la barbichette.
Rousseff est accusée de combines illégales dans la présentation du budget. Il fallait l’accord de Cunha pour la poursuivre. Ce Cunha, impliqué dans le scandale de la compagnie pétrolière nationale Petrobras, aurait touché des dizaines de millions de dollars en pots-de-vin et on a découvert ses comptes secrets en Suisse. Mais comme le Parti des travailleurs (PT), parti de la présidente, a cessé de couvrir Cunha, celui-ci refuse désormais de couvrir Rousseff.
Celle-ci n’est pas menacée dans l’immédiat : il faudra nommer une commission parlementaire qui enquêtera et adoptera un rapport qui, s’il est voté par les deux tiers de députés, entraînera la suspension de la présidente pour six mois maximum, au cours desquels les deux tiers des sénateurs devront voter contre elle pour qu’elle soit réellement destituée ; à supposer qu’entre-temps le Tribunal suprême fédéral n’annule pas tout.
Il n’empêche, ce vaudeville politicien traduit une crise politique plus profonde. Le gouvernement repose sur l’alliance entre le PT, qui s’appuie sur les couches populaires, et le PMDB, un parti de droite qui rassemble des caciques régionaux soucieux des intérêts de leur clan. Ce personnel politique corrompu est frappé de plein fouet par le scandale Petrobras. Chacun cherche à sauver sa peau, quitte à faire plonger ses collègues et le gouvernement. Et non seulement le PT, qui gouverne depuis treize ans, a son lot de corrompus, mais toute sa direction a choisi la corruption pour s’assurer des majorités au Parlement, d’où les dénonciations et chantages en chaîne.
Même la pollution géante qui a suivi la rupture d’un barrage minier près de Mariana, dévastant une vallée sur 700 kilomètres et s’étendant largement dans l’Atlantique, se retourne contre les partis et le gouvernement. Car tous ont laissé ces géants mondiaux du minerai de fer que sont Rio Doce et Billiton mettre en péril les populations et l’environnement.
Ces scandales et cette crise politique sont inséparables de la crise économique qui atteint le Brésil. Le produit intérieur brut devrait reculer de 4,5 % cette année, les licenciements se multiplient dans les grandes entreprises et le chômage explose, touchant 9 millions de personnes. Banquiers et grandes entreprises maintiennent et augmentent leurs profits, mais en pillant la population modeste, les retraités, les salariés exposés à une inflation de 10 %, en sacrifiant la santé, l’éducation, les transports.
Les coups de dents et d’ailerons des requins brésiliens de la politique révèlent une société en déliquescence.