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- Lutte ouvrière n°2469
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Dans les entreprises
Airbus Helicopters – Marignane : grève contre le projet d’accord de compétitivité
Depuis quelque temps déjà, la direction de l’usine Airbus Helicopters de Marignane, comptant 9 000 travailleurs, veut introduire un accord de compétitivité, appelé accord Care. Les travailleurs à la production, qui ont déjà subi une détérioration de leurs conditions de travail et de salaire avec les effets de l’accord Safe de 2009, ont décidé de ne pas se laisser faire et se sont mis en grève.
Ce n’est pas que l’entreprise ait des problèmes, bien au contraire : le bénéfice d’Airbus Group a augmenté de 54 % en un an. Seulement, en introduisant ce nouvel accord, elle pourrait en encaisser encore plus.
Pour cela, elle avait pour projet de supprimer 19 jours de RTT, de passer de la semaine de quatre jours à la semaine de cinq jours. En 2015, outre la modération salariale, deux tiers des compagnons étaient passés des horaires d’équipes en horaire de journée, perdant ainsi jusqu’à 400 euros par mois. Le projet envisage aussi des semaines dont les horaires pourraient osciller de 22 heures à 46 heures selon la charge de travail, tout en pouvant parfois revenir au travail posté.
Pas question dans tout cela non plus d’embaucher les 800 intérimaires qui travaillent pourtant régulièrement dans l’usine, certains depuis cinq ans !
Chez les cols bleus, en particulier chez ceux qui, travaillant en 2x8, sont censés passer à la journée et perdre quelque 400 euros, il n’est pas question d’accepter ces reculs. Les 1 800 ouvriers et techniciens d’atelier de l’usine n’ont pas l’intention de se laisser faire. Depuis quelques semaines, à l’initiative de la CGT, les discussions et réunions pendant les pauses étaient animées, avec plus ou moins de détermination selon les hangars. Mais à peu près partout les uns et les autres se forgeaient un avis, les plus résolus entraînant les autres malgré le contre-feu de la maîtrise et des délégués des syndicats prêts à signer ces accords, comme la CFDT. FO pour sa part devait tenir compte de l’avis de syndiqués ouvriers, pas du tout d’accord avec ce projet, tout comme des ouvriers syndiqués à la CFTC.
C’est ainsi que, pour se défendre, quelque 200 travailleurs non syndiqués ou syndiqués dans divers syndicats se sont retrouvés à l’heure d’information syndicale prévue par la CGT le jeudi 19 novembre, malgré les multiples tentatives de la hiérarchie pour les en dissuader. Venus de différents hangars en cortèges, ils ont convergé avec enthousiasme pour une assemblée générale de fait qui dépassa largement l’heure autorisée. Des ouvriers s’écrièrent : « Cela fait deux mois qu’on discute, il faut agir, il faut faire grève », et furent applaudis par toute l’assistance, qui décida d’un débrayage pour le lendemain.
Le lendemain 20 novembre, il demeurait une incertitude : la plupart de ceux qui avaient décidé le débrayage étaient du quart d’après-midi et c’étaient ceux du quart du matin qui étaient concernés par le débrayage. Mais les téléphones avaient chauffé. Dans plusieurs hangars, à l’arrivée des ouvriers, des groupes se formèrent avant de circuler à travers les hangars, grossissant au fur et à mesure. À la jonction des cortèges, on comptait 500 grévistes ne mâchant pas leurs mots, ou plutôt leurs cris, réunis devant le bâtiment où la direction tenait une réunion de négociation, et disant clairement qu’ils ne voulaient pas du projet.
Le directeur des ressources humaines reçut les porte-parole et tenta d’expliquer « les difficultés de l’entreprise... les attentats, une période difficile pour notre pays » et de demander la reprise du travail. Qu’à cela ne tienne, les grévistes, à 500, repartirent visiter les hangars les uns après les autres, discutant avec les non-grévistes qui arrêtaient de travailler. Quand les chefs fermaient les portes pour interdire l’entrée des hangars, les manifestants déjouaient la manœuvre, doublant les gardiens complètement débordés. À 11 h 30, de retour devant le bâtiment de la direction, il était décidé de reprendre le travail.
Vers 17 h 30, la direction annonçait quelques reculs, en particulier l’abandon du système de semaines hautes (42 h) et de semaines basses (32 h). Elle renoncerait à la suppression d’un jour de RTT sur quinze, et à l’horaire de semaine décalée du mardi au samedi. Une première conclusion s’impose : trois heures de grève ont fait mieux que deux mois de négociations.
On n’avait jamais vu une telle manifestation dans cette usine. Ce qui domine, c’est un sentiment d’enthousiasme d’avoir enfin eu une revanche, et certains pensent qu’il faut maintenant aller plus loin.