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Irlande du Nord : les lenteurs de la justice britannique
Plus de 43 ans après les faits, un ancien militaire britannique vient d’être arrêté en Irlande du Nord pour avoir participé à la tuerie du dimanche 30 janvier 1972 dans la ville de Derry, une date restée dans les mémoires comme le Bloody Sunday, « le dimanche sanglant ».
Dans cette partie de l’Irlande toujours intégrée au Royaume-Uni, la minorité catholique était victime de discriminations, entre autres dans l’attribution de logements sociaux ou dans le découpage électoral favorable aux unionistes protestants. En outre, depuis plusieurs années, les quartiers catholiques faisaient l’objet d’attaques de milices unionistes, couvertes par la police ; le gouvernement britannique avait alors décidé l’envoi de troupes prétendument neutres. Ce jour-là, une association militant pour l’égalité des droits entre catholiques et protestants avait appelé à une manifestation pacifique, mais les parachutistes britanniques avaient ouvert le feu sur les manifestants, tuant treize personnes sur le coup ; une quatorzième allait décéder plus tard des suites de ses blessures.
Une première enquête, menée en février et mars 1972, par un tribunal britannique d’une ville unioniste, avait blanchi totalement l’armée, affirmant que les soldats n’avaient fait que riposter à des coups de feu provenant des manifestants. Cette thèse s’imposa malgré toutes les contradictions, l’accumulation de mensonges ou de témoignages partiaux et partiels, puisque ceux des manifestants n’avaient pas été pris en compte.
Les proches des victimes refusèrent de baisser les bras et menèrent une campagne pour l’ouverture d’une nouvelle enquête que le Premier ministre Tony Blair, alors en négociations avec le Sinn Fein, lança en... 1998 – soit 26 ans après les faits ! Il fallut encore attendre douze ans pour qu’un rapport soit publié, en 2010, et établisse que les parachutistes britanniques avaient bien tiré sur des civils désarmés, y compris sur des blessés à terre. Mais si les actes des soldats y étaient dénoncés, les hauts gradés militaires qui avaient commandé ou couvert ces crimes et, surtout, l’État britannique, principal responsable de par sa politique guerrière menée en Irlande du Nord contre les catholiques, n’étaient pas mis en cause.
L’homme qui vient d’être arrêté est un ancien soldat, qui était âgé de 23 ans lors du massacre et dont il vient donc d’être établi qu’il a bien tiré. Mais il n’était évidemment pas le seul, et il avait reçu des ordres. Condamner un lampiste pourrait bien être une façon de continuer à épargner les responsables.