Burundi : le poison des oppositions ethniques11/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2467.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Burundi : le poison des oppositions ethniques

Au Burundi, la répression policière prend chaque jour un tour plus dramatique. Des quartiers entiers sont visés et le régime, confronté à la révolte d’une partie de la population, cherche à attiser la haine ethnique entre Hutus et Tutsis pour garder le pouvoir, fut-ce au prix d’un bain de sang.

Le Burundi, petit pays d’Afrique centrale, forma longtemps avec le Rwanda la colonie belge du Ruanda-Urundi, un moment intégrée à celle du Congo voisin. Comme partout les colonisateurs s’appuyèrent sur l’un des peuples qui habitaient la région pour exercer leur pouvoir, en l’occurrence sur les Tutsis contre les Hutus. Ils favorisèrent cyniquement les oppositions ethniques, qui explosèrent violemment après l’indépendance acquise en 1962. Le Rwanda et le Burundi devinrent alors des pays distincts, mais aux destins tragiquement liés par l’héritage colonial.

Au Burundi, 200 000 Hutus furent massacrés en 1972 par l’armée burundaise que contrôlaient les Tutsis. En 1993, l’élection d’un Hutu à la présidence du Burundi marqua le début d’une guerre civile qui mit aux prises l’armée tutsie et les groupes armés hutus. Le conflit ne se termina qu’en 2005. Parallèlement, en 1994 au Rwanda voisin, le pouvoir aux mains des génocidaires hutus, soutenus par la France, massacrait les Tutsis. Les centaines de milliers de Burundais qui fuient aujourd’hui dans les pays voisins ont toutes les raisons de craindre le retour de ce passé sanglant.

La révolte actuelle a commencé en avril dernier lorsque le président Pierre Nkurunziza a annoncé son intention de briguer un troisième mandat, au mépris des accords ayant mis fin à la guerre civile. Les manifestations n’avaient aucun caractère ethnique. Toute une partie de la population, les Hutus comme les Tutsis, souhaite être débarrassée d’un président qui avec son clan pille les maigres ressources du pays. Elle ne veut plus d’un régime qui terrorise les habitants et fait exécuter ses basses œuvres par les milices du parti, les Imbonerakure. Les forces de répression ont tout de suite tiré aveuglement sur les manifestants, faisant plusieurs morts. La violence s’est encore accrue après la tentative manquée de coup d’État militaire en mai. On ne compte plus les assassinats d’opposants. C’est dans ce climat de terreur que Nkurunziza a été réélu en juillet dernier, l’opposition ayant boycotté le scrutin.

Lundi 2 novembre, Nkurunziza a lancé un ultimatum aux habitants des quartiers contestataires, leur donnant jusqu’au samedi suivant pour « déposer les armes » en échange d’une amnistie, après quoi la police pourrait user de tous les moyens. Cette menace a déclenché une fuite massive, ce qui n’a pas empêché les forces de répression de faire plusieurs victimes lorsqu’a expiré l’ultimatum. Au même moment le président du Sénat a rassemblé des partisans de Nkurunziza et s’est répandu en propos qui résonnent comme un appel au génocide : « Vous devez pulvériser, vous devez exterminer ces gens qui ne sont bons qu’à mourir. Je vous donne cet ordre, allez-y. Si vous entendez le signal avec une consigne que ça doit se terminer, les émotions et les pleurs n’auront plus de place », a-t-il crié.

Nkurunziza utilise la haine ethnique pour se maintenir au pouvoir, tout comme bien d’autres dictateurs en Afrique. Ils ont été à l’école des anciens colonisateurs, de pays comme la France ou la Belgique qui se disent aujourd’hui inquiets de la situation. Face à eux, les travailleurs de toutes origines ont les mêmes intérêts et ne doivent à aucun prix se laisser opposer les uns aux autres.

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